Archives de la Maison Blanche : Donald Trump inculpé pour recel de documents

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C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis qu’un ancien président fait face à une inculpation fédérale. RUSSELL CHEYNE / REUTERS

Il est reproché à l’ancien président américain d’avoir conservé des cartons de documents, dont certains classés «secret-défense», après son départ de Washington en 2021 et d’avoir refusé de les restituer, en violation des lois fédérales.

L’ancien président américain Donald Trump a été inculpé jeudi 8 juin par la justice fédérale de son pays pour avoir illégalement détenu des documents confidentiels dans sa résidence privée depuis son départ de la Maison-Blanche. Trump a annoncé lui-même dans la soirée sur son réseau Truth Social sa nouvelle inculpation. Il a mentionné qu’il était convoqué devant le tribunal fédéral de Miami mardi prochain à 15 heures. Un acte comportant sept chefs d’accusation a été déposé auprès du juge, mais leur détail n’est pas encore connu. Selon les médias américains, Donald Trump est notamment poursuivi pour rétention illégale de secrets d’État, entrave à la justice et fausses déclarations.

C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis qu’un ancien président est inculpé par la justice fédérale. L’affaire des documents classifiés est aussi la plus périlleuse pour Trump, car la plus facile à prouver. L’ancien président est accusé d’avoir emporté illégalement des centaines de documents classifiés à son domicile de Mar-a-Lago, en Floride, après son départ de la Maison Blanche en 2021, et d’avoir probablement entravé l’action de la Justice pour les récupérer.

Perquisition du FBI

L’enquête avait débuté au printemps 2022, après de longs efforts déployés par les Archives nationales tout au long de l’année précédente pour obtenir de Trump qu’il leur remette les documents qu’il avait emportés avec lui illégalement, puisque les archives présidentielles sont la propriété du gouvernement. Trump avait remis 15 cartons de documents en janvier 2022. Ces cartons contenaient des documents hautement sensibles portant des inscriptions classifiées, ce qui avait donné lieu à une enquête du Ministère de la justice.

L’enquête avait culminé pendant l’été avec une perquisition des agents du FBI dans le club privé de Trump à Palm Beach, au cours de laquelle 103 nouveaux documents confidentiels avaient été découverts stockés dans un local. Cette découverte était d’autant plus dévastatrice que les conseillers de Trump avaient affirmé quelques semaines plus tôt avoir remis tous les documents qu’ils avaient pu trouver.

« Je suis innocent, je n’ai rien fait de mal et je vais me battre. »

Donald Trump

Depuis, les enquêteurs ont accumulé les preuves que l’ancien président a délibérément entravé les tentatives des autorités américaines pour récupérer les documents ultrasecrets qu’il continuait à détenir. Des témoignages et des enregistrements vidéo ont notamment été recueillis par le FBI, qui pourraient étayer une accusation d’obstruction à la Justice. Une vidéo pourrait même montrer que des cartons de documents ont été déplacés la veille de la descente du FBI à Mar-a-Lago.

L’enquête a été confiée depuis novembre 2022 à un procureur spécial, Jack Smith, pour permettre au ministère de la Justice de ne pas mener directement les investigations contre un ancien président, et surtout contre un candidat à la prochaine élection présidentielle. Mais Trump a déjà accusé ses accusateurs d’avoir politisé la justice, et de tenter de lui nuire. «Je suis innocent, je n’ai rien fait de mal et je vais me battre», a-t-il assuré jeudi soir dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, en dénonçant «de l’ingérence électorale au plus haut niveau». «L’acte de guerre juridique ouverte perpétré aujourd’hui par le très partisan Ministère de l’injustice a franchi un nouveau palier et créé un dangereux précédent», a écrit la campagne de Trump. «Le président Trump n’a violé aucune loi… Il luttera contre cet abus de pouvoir anticonstitutionnel jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause.»

«C’est un triste jour pour l’Amérique»

Les élus républicains ont immédiatement serré les rangs autour de lui. «C’est un triste jour pour l’Amérique», a réagi Jim Jordan, qui préside la commission judiciaire à la Chambre des représentants. Le président Joe Biden, qui est aussi candidat en 2024, «piétine l’Etat de droit pour son propre intérêt», a jugé le sénateur Josh Hawley. Sans être aussi catégorique, le milliardaire Elon Musk, de plus en plus présent dans l’arène politique, a jugé qu’il «semblait y avoir plus d’intérêt à poursuivre Trump que d’autres politiciens». Les démocrates ont à l’inverse salué la nouvelle, tout en mettant en garde contre le discours de Donald Trump. «Il va essayer d’instrumentaliser cette inculpation pour des gains politiques, parce que gagner la présidence sera peut-être son seul moyen d’éviter la prison», a ainsi estimé l’élu Adam Schiff.

Trump prétend qu’il est l’innocente victime d’une cabale, et qu’il avait de toute façon en tant que président toute latitude pour déclassifier les documents à sa guise. Certains des dossiers trouvés en sa possession sont connus, comme les lettres du dictateur nord-coréen Kim Jong Un. D’autres documents ultra-secrets, potentiellement plus dommageables pour la sécurité américaine, pourraient aussi se trouver dans les dossiers conservés par Trump.

Déjà condamné pour viol au civil

Un coup de théâtre supplémentaire avait encore compliqué politiquement l’affaire quand des documents classifiés avaient aussi été découverts dans les anciens bureaux, puis dans le garage de Joe Biden, datant de l’époque où il était vice-président d’Obama. Les démocrates ont fait valoir, non sans arguments, que Biden avait aussitôt restitué les documents. Mais les républicains n’ont pas manqué de dénoncer la différence de traitement des deux affaires, même si un procureur spécial a aussi été nommé pour enquêter sur Biden.

Il y a deux mois, Trump avait déjà été inculpé au civil par un tribunal de New York pour une affaire de fraude liée au versement d’argent à une vedette du porno, Stormy Daniels. Il a aussi été condamné, toujours au civil et à Manhattan, pour avoir diffamé une journaliste, Jean Carroll, qui l’accusait de l’avoir violée.

Une enquête fédérale est nettement plus grave, et potentiellement plus lourde de conséquences, même si l’absence de précédents rend difficile de savoir sur quoi elle pourrait déboucher, et dans quels délais. Le procureur Jack Smith enquête également sur la tentative de Trump pour renverser le résultat de l’élection de 2020, et sur l’assaut du Capitole par la foule le 6 janvier 2021, autre affaire politiquement chargée.

(source: lefigaro.fr)

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