Election présidentielle à Madagascar : Andry Rajoelina, seul et à marche forcée

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Par Le Monde Afrique

Le président sortant est le seul candidat à être entré en campagne mardi. L’opposition continue de dénoncer sa forfaiture alors que le président du Sénat a révélé avoir été contraint de renoncer à gouverner par intérim, comme le prévoit la Constitution.

Le président malgache, Andry Rajoelina, lors d’un meeting à Antananarivo, le 10 octobre 2023. RIJASOLO / AFP

L’élection présidentielle à Madagascar, dont le premier tour est prévu le 9 novembre, aura-t-elle lieu ? Le doute s’est installé alors que la campagne a officiellement commencé, mardi 10 octobre, dans un climat délétère marqué par la répression des manifestations quotidiennes organisées à Antananarivo depuis le début du mois par onze des douze candidats en lice contre le président sortant, Andry Rajoelina.

Lundi, les déclarations du président du Sénat ont fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel déjà électrique de la capitale. Dans une interview à France 24, Herimanana Razafimahefa a expliqué avoir dû renoncer à exercer le pouvoir par intérim jusqu’au scrutin « sous les pressions » et les « menaces de mort » de membres du gouvernement. Des accusations aussitôt démenties par la primature.

Le 8 septembre, alors qu’Andry Rajoelina avait démissionné – comme l’impose la Constitution à tout président candidat à sa réélection –, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) avait exhibé une lettre de renonciation du président du Sénat, motivée par « des raisons personnelles ». Pour combler la vacance à la tête de l’Etat, elle avait dans la foulée investi le gouvernement collégial du premier ministre, Christian Ntsay. Une manœuvre que l’opposition avait qualifiée de « coup d’Etat institutionnel », venant s’ajouter à la liste déjà longue des entorses au droit commises, selon elle, par M. Rajoelina.

Manipulations

Pour le « collectif des onze », les aveux du président du Sénat confirment de manière éclatante les manipulations du pouvoir pour prendre la main sur le processus électoral et truquer le vote. Dans un communiqué commun, ils demandent l’annulation de la décision de la HCC confiant le pouvoir au gouvernement collégial et « l’ouverture d’une enquête publique indépendante, car il s’agit d’une atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Le président du Sénat a aussi déposé mardi une requête auprès de la HCC pour revenir sur sa renonciation. « Face à la crise politique qui ne cesse de s’aggraver, aux blessés quotidiens et à l’escalade à venir de la violence si aucune solution d’apaisement n’est trouvée, je veux prendre mes responsabilités et demande à exercer le gouvernement par intérim, comme cela aurait dû être le cas en vertu de la Constitution », explique-t-il au Monde pour justifier son revirement. Andry Raobelina, l’un des candidats, en a été victime le 2 octobre. Blessé à la tête et hospitalisé à Antananarivo, il a dû être évacué lundi soir vers l’île Maurice pour y être soigné. Ses avocats ont déposé auprès des juges constitutionnels une demande de report de l’élection pour cas de force majeure. « Andry Raobelina a été victime des agissements incontrôlés des forces de l’ordre lors d’une marche pacifique » et « ne peut participer à la campagne électorale », argumentent-ils en évoquant l’égalité des droits due aux candidats. La décision de la HCC, attendue de manière imminente, pourrait apporter un autre rebondissement dans cette situation jugée inédite par tous les observateurs.

« Vague orange »

Quoi qu’il en soit, les onze ont annoncé qu’ils ne prendraient pas part à la campagne avant d’obtenir des garanties sur un déroulement transparent du scrutin. La question de l’éligibilité de M. Rajoelina reste aussi sur la table. Pour l’opposition, il doit être exclu de l’élection en raison de sa nationalité française, acquise en catimini par naturalisation en 2014, celle-ci ayant entraîné automatiquement, selon elle, la perte de sa citoyenneté malgache. La HCC, accusée comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’être à la solde du régime, a rejeté toutes les requêtes déposées par les parlementaires.

Le collectif, qui a poursuivi mardi ses marches pacifiques, a par ailleurs lancé « un appel urgent à toutes les forces de l’ordre et les forces vives à prendre leurs responsabilités respectives pour préserver [les] institutions ». « Les forces de l’ordre doivent cesser de réprimer nos manifestations. Leur devoir est de veiller au respect du droit. Nous agissons dans ce sens en exigeant la tenue d’une élection transparente, inclusive et crédible », explique l’ancien président Hery Rajaonarimampianina (2014-2018).

Seul sur le terrain, M. Rajoelina a entamé mardi sa campagne officielle devant quelques milliers de partisans réunis dans une banlieue de la capitale. Le candidat numéro 3 a promis une « vague orange », la couleur de son parti, et assuré que « personne ne pourra [leur] ôter la victoire ».

(source: Le Monde Afrique)

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