Syrie, stratégie de Poutine: construire des « axes de l’ordre »

Lors du sommet tenu mercredi dernier à Sotchi (Sud de la Russie), Vladimir Poutine a reçu ses homologues turcs Recep Tayyip Erdogan et iranien Hassan Rohani pour évoquer l’avenir de la Syrie. Le Président russe a appelé à construire des «axes de l’ordre» composés d’Etats souverains « partenaires » face à l’« axe du Bien et du Mal» manichéen cher aux Occidentaux qui ont accentué l’instabilité du monde de l’après-guerre froide. L’idée est d’assumer une Realpolitik puis de favoriser les coopérations pragmatiques au niveau régional dans le cadre d’un monde multipolaire décrit et vanté comme tel par le chef du Kremlin.
Le but de la réunion de Sotchi était de préparer les rencontres à venir dites du format d’Astana, prévues le 12 décembre prochain, entre le triumvirat « vainqueur de Da’ech et d’al-Nosra », destinées à préparer une solution politique pour la Syrie de l’après-guerre.
Dans cette même logique « multipolaire », ces trois composantes de « l’axe de l’ordre » proche-oriental ont convenu que l’objectif des zones de désescalade en Syrie (provisoires) était, à terme, « la pleine indépendance de la Syrie ». En réalité, toute la question est de savoir de quelle opposition il s’agira, sachant que le Congrès du dialogue national syrien de décembre prochain devra être étudié par l’Iran, la Russie et la Turquie. Cette dernière reste le parrain des rebelles islamistes syriens sunnites et demeure totalement opposée à la participation des forces kurdes de Syrie aux négociations, ce que le Président Erdogan a bien souligné lors du sommet en pointant du doigt les « éléments terroristes qui s’attaquent à la sécurité nationale de notre pays et à l’intégrité territoriale de la Syrie ». De son côté, Vladimir Poutine, qui sait transformer un obstacle en opportunité stratégique, escompte monnayer chèrement l’abandon des Kurdes de Syrie, en échange d’une reconnaissance de la légitimité d’Assad par la Turquie.
L’autre pierre d’achoppement concerne le choix des opposants arabes syriens légitimes : L’Occident ne reconnaît vraiment que les opposants dits de la « délégation de Ryad », c’est-à-dire essentiellement les forces sunnites islamistes du « Haut comité des Négociations » (majoritairement islamiste) liées au Conseil National Syrien. C’est cette opposition sunnite violemment hostile à Bachar al-Assad a été accueillie à Riyad afin de préparer les négociations de paix de Genève qui reprendront le 28 novembre prochain sous l’égide des Nations unies. Alors que l’opposition privilégiée par la Russie (délégations de Astana, de Moscou et du Caire) accepte de négocier sans faire du départ de Bachar une condition, les représentants de l’opposition pro-saoudienne, également reconnus par l’ONU et les Occidentaux, demeurent arc-boutés sur l’exigence du départ d’Assad.