Déclaration à Ambohitsirohitra – Les militaires prennent le pouvoir

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Les cinq colonels de l’armée après leur entrée dans la cour du palais d’Ambohitsorohitra, hier.

«Nous allons prendre notre responsabilité.» Cette phrase a été dite par le colonel Michaël Randrianirina, accompagné d’une poignée d’officiers supérieurs de l’armée, devant les manifestants de la place du 13 Mai, hier en milieu d’après-midi, avant de se rendre au palais d’État d’Ambohitsorohitra.

Après avoir fait leur entrée par le portail principal du palais d’Ambohitsorohitra, s’être alignés devant la stèle du sceau de la République qui domine la cour intérieure du palais présidentiel, cinq colonels de l’armée ont fait face à la presse. Après avoir lu une déclaration, le colonel Randrianirina affirme, en réponse à un journaliste : « On a pris le pouvoir. Nous sommes au palais présidentiel. On prend le pouvoir à partir d’aujourd’hui. Cette crise a assez duré, il n’y a rien qui marche à Madagascar. »

La déclaration lue par le colonel Randrianirina est « une ordonnance », dans laquelle il annonce la mise en place d’un « Conseil de la présidence de la République pour la réforme ». Selon lui, il s’agit d’une entité où « des officiers de l’armée et de la gendarmerie » assurent collégialement le rôle de chef de l’Exécutif. Selon les informations, ce Conseil sera présidé par le colonel Randrianirina. «Dans le futur, il y aura peut-être de hauts conseillers civils dedans», indique l’officier supérieur en réponse à la presse.

Le colonel Randrianirina annonce également la suspension de la Constitution de la 4e République. L’ordonnance suspend aussi les institutions et organes prévus dans la Loi fondamentale. Exception faite de l’Assemblée nationale dans sa composition actuelle et du gouvernement, la Haute Cour constitutionnelle, le Sénat, la Haute Cour de justice (HCJ), la Commission électorale nationale indépendante (CENI), et le Haut Conseil pour la défense et de la démocratie et de l’État de droit (HCDDED) sont suspendus.

Timing

Le pouvoir judiciaire sera sous la houlette d’une «Haute Cour pour la réforme». De prime abord, il y a une certaine hésitation sur les noms de ces nouvelles entités. Dans l’ordonnance lue hier, il est toutefois indiqué qu’elles auront pour mission de mener « une réforme nationale », sur une période de deux ans tout au plus, et que se tiendront durant cette période un référendum constitutionnel et des élections générales.

Un acte intitulé « Charte de transition de la République de Madagascar » circule pourtant depuis hier soir. Personne ne confirme ni n’infirme son authenticité. Dans cet acte, il est indiqué que « la durée de la Transition est fixée à 24 mois maximum, renouvelable une seule fois pour 12 mois si la situation nationale l’exige ». Il y est aussi prévu que le «Conseil de défense nationale de Transition (CDNT)» est l’organe suprême de la Transition.

Si l’ordonnance lue à Ambohitsorohitra parle d’un Conseil composé d’officiers des Forces armées, la Charte de transition prévoit que le CDNT soit composé du « président du Conseil, chef de l’État par intérim », d’un « vice-président civil, garant du dialogue politique et institutionnel », des chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, du commandant de la gendarmerie, ainsi que du directeur général de la police nationale.

Six personnes représentant les six provinces siégeront aussi au sein du CDNT, ainsi que « deux représentants des partis politiques issus du conflit de 2002, pour garantir la réconciliation et la responsabilité historique partagée ». La Charte prévoit également la mise en place d’un gouvernement composé de «dix-huit ministres». Au camp du Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (Capsat), le colonel Randrianirina a indiqué que la priorité actuelle est de nommer un « Premier ministre de consensus ».

L’architecture de la gouvernance étatique devrait se préciser dans les prochains jours. Il est probable, cependant, que les nouveaux dirigeants auront à faire face aux réactions internationales. L’annonce de la prise du pouvoir faite par les militaires à Ambohitsorohitra, hier, sort du cadre constitutionnel. Dans une décision publiée dans la foulée, la HCC « invite l’autorité militaire compétente incarnée par le colonel Michaël Randrianirina à exercer les fonctions de chef de l’État », en ajoutant que « les institutions et organes constitutionnels en place continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels ».

Dans cette décision, la HCC constate la vacance au poste de président de la République et à celui du Sénat. Pour expliquer l’invitation des militaires à exercer le rôle de chef de l’État, l’institution d’Ambohidahy ajoute : «Compte tenu de toutes les situations relatées ci-dessus, la voie de suppléance inscrite dans les attributions normales des autorités civiles est épuisée.» Elle rappelle aussi l’article 53 de la Constitution qui dispose qu’une élection doit se tenir dans un délai de trente à soixante jours après la constatation de vacance, et que le chef d’État par intérim ne peut pas dissoudre les institutions et organes prévus par la Loi fondamentale.

La HCC défend, par ailleurs, sa décision par «la mise en œuvre de son pouvoir de régulation des institutions de l’État», en réponse à une requête déposée lundi pour «se prononcer sur une résolution sur la sortie de crise institutionnelle et politique actuelle». La Cour d’Ambohidahy affirme avoir délibéré à 9 heures. Cependant, la décision n’a été publiée que peu après 17 h 30. L’annonce faite à Ambohitsorohitra, qui suspend la Constitution et des institutions dont la HCC, a été faite peu après 16 heures. Un timing qui pourrait peser lourd.

(source: Garry Fabrice Ranaivoson – lexpress.mg)

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