Adrien Lehman
« Si l’Union européenne s’inquiète aujourd’hui de sa dépendance en matières premières, c’est assurément à raison »
Le chercheur Sacha Courtial et l’économiste Adrien Lehman détaillent, dans une tribune au « Monde », la stratégie volontariste que l’Union européenne entend mener concernant 51 minerais essentiels quant à la production d’éoliennes, de panneaux solaires et de batteries électriques.
La Commission européenne a publié à la mi-mars sa stratégie concernant les matières premières critiques (CRM, pour Critical Raw Material), laquelle inclut une liste de 51 minerais qu’elle qualifie de « bientôt plus importants que le charbon et le pétrole ». La Commission suit cet enjeu avec attention depuis 2008 car il s’agit de ressources nécessaires à la production de nombreuses technologies-clés pour la transition énergétique, comme les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries électriques.
Ainsi, la décarbonation des systèmes énergétiques nécessite des quantités importantes de ces minerais, parmi lesquels le lithium, le nickel, le cobalt, le cuivre ou encore les terres rares. L’Union européenne (UE) ne produisant sur son territoire qu’une infime partie de ses besoins, de larges dépendances à des pays tiers apparaissent.
Diversification et sécurisation
L’objectif de la Commission européenne est clair : garantir l’approvisionnement européen en matières premières critiques sur le long terme, et ce malgré deux éléments : une explosion attendue de la demande d’ici à 2050 et une dépendance forte sur toute la chaîne de valeur auprès de pays extra-européen et en particulier de la Chine.
La stratégie annoncée repose sur deux piliers. Premièrement, européaniser les chaînes de valeurs, c’est-à-dire accroître le pourcentage de minerais produits et raffinés qui dépendent uniquement de l’UE. Ainsi, un dixième des matières premières stratégiques devra être extrait au sein de l’UE, contre 3 % actuellement. Au moins 40 % de la transformation et du raffinage des matériaux devront également être effectués dans l’UE, contre moins de 20 % aujourd’hui, et les objectifs de recyclage sont fixés à 15 %.
Deuxièmement, la Commission souhaite engager une stratégie pour diversifier la provenance des importations, ce qui signifie accroître le pourcentage de minerais produits et raffinés qui dépendent de pays alliés à l’UE.
Pour atteindre cet objectif intermédiaire, la Commission prévoit de sécuriser les chaînes d’approvisionnement par le biais du commerce avec des pays proches. A cette fin, des accords de libre-échange ont déjà été conclus avec les pays membres du Mercosur [Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay] (2019), le Canada (2021), le Chili (2022) et le Kazakhstan (2022). Des accords avec l’Indonésie et l’Australie sont aussi en cours de négociation.
A un prix de marché
Si l’Union européenne s’inquiète aujourd’hui de sa dépendance en matières premières, c’est assurément à raison. Certains concluent de cette situation la nécessité de retrouver une indépendance, voire une forme de « souveraineté économique », en relocalisant au maximum