colonel Shervinton

Aspects de la colonisation par la France

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Journal « The Spectator » page 17 – 12 Octobre 1895

NEWS qu’Antananarivo est tombée le 27 septembre, et que la Cour s’était enfuie, a été reçu mardi à Paris de sources anglaises et a suscité un grand émoi. Il a été suivi jeudi d’un télégramme officiel d’Andriba vitt, Majunga, annonçant que la capitale malgache avait été entrée le 30 septembre, après une action brillante ; que la paix fut conclue le même jour ; et que le général Metzinger avait été nommé gouverneur militaire d’Antananarivo. Les récits varient, mais nous pensons que l’action brillante s’est déroulée sans effusion de sang ; que la paix a été faite avec un gouvernement provisoire ; et que le secret de la défaite des Hova réside dans une trahison généralisée. Mais les Français sont en possession et gouverneront, selon le correspondant du Times à Paris, comme à Tunis, c’est-à-dire qu’ils gouverneront par des décrets émis au nom d’un prince fantoche. C’est la pire forme de gouvernement, car elle permet une corruption et une oppression sans fin ; et nous avons soutenu ailleurs que si l’Angleterre avait un quelconque droit en la matière, elle devrait immédiatement proposer de reconnaître Madagascar comme colonie de la France. Le succès a sauvé le gouvernement français, et la mauvaise gestion de l’expédition sera aussitôt oubliée. Personne ne s’est souvenu pendant une semaine des milliers de conscrits invalidés à vie dans les marais de Tunis.

 Le colonel Shervinton, ancien commandant de l’armée malgache, en conversation

avec un intervieweur, soutient fortement notre affirmation selon laquelle les Hovas sont un bon matériel de combat. Il les a lui-même vu attaquer et vaincre les troupes françaises à découvert, et lors de la dernière guerre, un gouverneur, ses fils et la majeure partie de la garnison sont morts pour défendre Farafaty, près de Tamatave. Ils ont en outre conquis toutes les autres tribus de Madagascar, et les chrétiens parmi eux ont enduré en masse le martyre. Le colonel Shervinton ne prétend pas comprendre pourquoi ils ne se sont pas battus, mais pense qu’ils ne le feront pas à l’avenir. C’est possible, car le cœur d’une nation peut être brisé ; mais la meilleure explication que nous ayons vue de la lâcheté des Hova n’exclut pas la notion de guérilla. On dit qu’ils avaient des canons et des fusils, mais qu’ils n’avaient ni obus ni cartouches, ou qu’ils n’en furent pas envoyés au front. Cela est tout à fait possible, si les officiers supérieurs étaient soit traîtres, soit corrompus, et cette opinion est corroborée par le fait reconnu que les Français n’ont pas perdu une douzaine d’hommes sur le terrain. S’il y avait eu ne serait-ce qu’une tentative de tir, ils auraient dû souffrir davantage. Nous verrons si les Hovas dispersés peuvent se battre avec des épées, comme le font les Cubains avec les hachettes utilisées pour couper la canne.

JLA (auteur de « Les Généraux Andafiavaratra et la France au XIXe siècle »)