Francesca Di Giovanni
Ukraine: restaurer la crédibilité de l’ONU et rétablir la confiance mutuelle
Francesca Di Giovanni, la Sous-secrétaire pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État du Vatican examine comment le monde pourrait être après le conflit entre la Russie et l’Ukraine : le renouvellement des organisations internationales et la recherche du dialogue, à partir d’une situation d’égalité des droits et des devoirs entre grands et petits.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine, outre la douleur de la tragédie qui se déroule, crée un climat d’incertitude et de confusion dans la communauté internationale, surtout à cause de la faible intervention des organisations internationales, à commencer par les Nations unies, qui sont incapables de ramener sur le chemin de la négociation un conflit qui crée des morts et des destructions, mais qui favorise aussi la déstabilisation politique et économique. Sur ce sujet et d’autres, Radio Vatican – Vatican News s’est entretenu avec Francesca Di Giovanni, sous-secrétaire pour les relations avec les Etats de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège.
On a le sentiment que l’ONU a été longtemps paralysée et silencieuse dans cette crise. Pourquoi cela s’est-il produit ? Peut-on encore croire au rôle fondamental des organisations internationales ?
Ces organisations peuvent et doivent continuer à jouer un rôle dans les relations internationales. La crise actuelle à laquelle nous assistons n’est que partiellement imputable aux responsabilités des organisations, mais plutôt à celles des États qui les composent et déterminent leur politique et leurs activités. Le plus gros problème est que les États ont perdu la capacité de s’écouter les uns les autres, préférant imposer leurs propres idées ou intérêts, qui en fait les limitent ou les conditionnent. Le Pape lui-même a parlé à plusieurs reprises de «ccolonisation idéologique», et malheureusement cette nouvelle colonisation a trouvé un terrain fertile dans les organisations internationales, également à l’instigation de certains Etats.
Nous devrions recommencer à parler, à nous écouter les uns les autres et aussi à réfléchir aux positions des autres. Lorsque nous parlons d’organisations internationales, nous devons également souligner que leur travail ne se limite pas exclusivement au maintien de la paix et de la sécurité. Pensez par exemple aux questions de développement, au changement climatique, à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, etc. Il y a donc beaucoup de travail à faire, et l’inertie ou la paralysie de l’ONU est évidente dans certains domaines, même primaires, tandis qu’elle se poursuit dans d’autres, même si sa «fatigue» est très ressentie.
Comment donner à l’ONU une capacité opérationnelle et décisionnelle, en fonction de la paix mondiale, qui dépasse l’impasse actuelle due aux différents vetos ? Le Pape lui-même a récemment parlé de l’impuissance des Nations Unies…
Lorsque l’on parle de paix et de sécurité internationales, la première organisation qui vient à l’esprit est l’ONU et, en particulier, le Conseil de sécurité. Nous savons que la réforme du Conseil de sécurité est sur la table depuis plusieurs années,
Francesca di Giovanni: «la pandémie rend le multilatéralisme plus nécessaire que jamais»
Proclamée en 2018 par l’Assemblée générale des Nations-Unies, la Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix se tient depuis chaque année le 24 avril. Dans un entretien à Vatican News, Francesca di Giovanni, sous-secrétaire pour les rapports avec les États de la diplomatie du Saint-Siège rappelle l’urgence et l’obligation morale pour la communauté internationale d’œuvrer unie à la recherche de la paix, dans un monde où est venue s’ajouter la crise sanitaire.

Il est certain que la pandémie a créé de nouveaux déséquilibres et de nouvelles crises dans les domaines sanitaire, économique, humanitaire, politique et social, tout en creusant des fossés préexistants. Les objectifs de lutte contre la faim, par exemple, que la communauté internationale s’était fixés pour 2030, sont désormais sérieusement compromis. Considérons que dans la même période où 2,5 millions de personnes sont mortes du Covid-19, 7 millions sont mortes de la faim. Ces crises rendent le multilatéralisme encore plus nécessaire, même si des obstacles, des fermetures et des intérêts nationalistes et idéologiques parviennent malheureusement à lui barrer la route aujourd’hui. Certains veulent revenir en arrière et chercher des raccourcis et des accords à plus court terme avec des pays qui ont les mêmes idées politiques et économiques, en prétendant que ces accords sont moins coûteux et plus efficaces que d’autres qui cherchent à impliquer l’ensemble de la communauté internationale.
Les paroles du Pape François reviennent à l’esprit : «Nous sommes tous dans le même bateau» et «personne ne peut y arriver seul»…
Aucun pays ne peut faire face seul aux problèmes mondiaux, mais aussi les problèmes qui semblent circonscrits à un pays ont des répercussions et des conséquences importantes sur l’équilibre de régions entières, quand ce n’est pas sur l’ensemble de la communauté internationale. La pandémie en est un triste exemple, mais nous avons aussi un changement climatique très rapide, une grande augmentation de la faim dans le monde, des déplacements causés par une violence généralisée, un fondamentalisme croissant, une violence aveugle contre les femmes et les enfants. Ce sont des problèmes qui nécessitent des réponses urgentes et cohérentes. C’est pourquoi la coopération au niveau multilatéral est la seule réponse adéquate et a une fonction fondamentale.
Dans ce contexte, quel est le rôle du Saint-Siège ? Comment contribue-t-il à la paix et à la diplomatie ?
Le Saint-Siège est un sujet souverain, reconnu au niveau international, qui n’est pas lié à des intérêts commerciaux ou militaires, et encore moins à une expansion territoriale. Il est ainsi plus libre de porter un message de paix et de solidarité entre les peuples et leurs gouvernants. Un message que le Pape François résume dans le mot «fraternité», un modèle à atteindre, bien que difficilement, mais en même temps un chemin concret pour les Nations, puisque – comme le Souverain Pontife l’a noté lors l’audience générale du 12 août 2020 – les droits ne sont pas seulement individuels, mais aussi sociaux, ceux des peuples. Ce respect de la personne humaine est porté par le Saint-Siège, inspiré par l’Évangile, dans les forums internationaux, car il considère comme une obligation morale d’aider la communauté internationale dans la recherche de la paix, pour le développement intégral de l’être humain, l’éradication de la pauvreté et la lutte contre la dégradation de l’environnement.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Concrètement, le Saint-Siège ne se lasse pas de porter son plus haut message, malgré les revers, les vetos idéologiques et politiques, à travers une participation la plus attentive et active possible, en essayant d’être «la voix des sans-voix».
Quelles sont les initiatives à venir pour le processus multilatéral ?
Pour le présent et l’avenir immédiat, les thèmes les plus importants sont ceux de la lutte contre le changement climatique, pour la sauvegarde de la biodiversité, des systèmes alimentaires, pour la non-prolifération nucléaire, ou encore l’engagement à défendre la dignité des femmes et bien d’autres encore.
Saint-Siège: Francesca Di Giovanni, une femme nommée sous-secrétaire pour les Relations avec les États

Le Pape François a nommé Francesca Di Giovanni, official de la Secrétairerie d’Etat, comme nouvelle sous-secrétaire de la Section pour les relations avec les Etats, et lui a confié le suivi du secteur multilatéral. Francesca Di Giovanni travaille depuis près de 27 ans à la Secrétairerie d’État.
Née à Palerme (Sicile) en 1953, elle est diplômée en droit et a exercé dans le notariat avant de travailler dans le secteur juridico-administratif au Centre international de l’Œuvre de Marie (Mouvement des Focolari).
Depuis le 15 septembre 1993, elle exerce en qualité d’official à la Section pour les relations avec les États, au sein de la Secrétairerie d’État. Elle a également une expérience professionnelle dans le domaine multilatéral, notamment sur les questions relatives aux migrants et aux réfugiés, au droit international humanitaire, au droit international privé, à la condition féminine, à la propriété intellectuelle, aux communications et au tourisme. À partir d’aujourd’hui, la Section pour les relations avec les États est donc composée de deux sous-secrétaires: Francesca Di Giovanni travaillera sur la même position hiérarchique que Mgr Mirosław Wachowski, un prêtre polonais nommé à ce poste à l’automne dernier, qui continuera à s’occuper principalement de diplomatie bilatérale.
Voici la traduction de l’interview accordée par Francesca Di Giovanni à Vatican News et à L’Osservatore Romano:
Avez-vous été surprise par votre nomination au poste de sous-secrétaire?