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A Sciences Po Paris, une Maison des arts pour « apprendre à regarder les images »

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Le 23 mars, la grande école inaugurera une nouvelle chaire consacrée aux arts plastiques. Puis, d’ici quelques mois, une autre dévolue au spectacle vivant.

SÉVERIN MILLET

Jeudi 23 février, une oratrice inhabituelle fera ses premiers pas dans le célèbre amphi Emile-Boutmy, à Sciences Po Paris. Dans ce temple de la rue Saint-Guillaume, où, par le passé, les étudiants ont religieusement écouté le charismatique ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan ou les tirades sur l’économie libérale des patrons du CAC 40, la cinéaste Claire Denis viendra raconter son parcours singulier, ses méthodes de travail ainsi que son goût pour les marges. La réalisatrice de Des étoiles à midi, Grand Prix du Festival de Cannes en 2022, dirige la toute nouvelle chaire de cinéma lancée par cette fabrique à élites, sur le modèle du centre d’écriture et de rhétorique créé en 2019.

Une autre chaire, consacrée aux arts plastiques et coordonnée par le commissaire d’exposition Jean de Loisy, sera lancée, jeudi 23 mars, par une master class de Tino Sehgal, cet ancien danseur adulé de l’art contemporain qui, en réinventant le concept d’exposition, a changé notre rapport à l’autre. Se succéderont à l’estrade Kapwani Kiwanga, anthropologue de formation devenue artiste, Tomas Saraceno et son imaginaire arachnéen, et enfin la poétique créatrice belge Edith Dekyndt. D’ici à quelques mois, une dernière chaire, dévolue au spectacle vivant et pilotée par le chorégraphe Benjamin Millepied, viendra compléter le dispositif.

Autant de briques sur lesquelles repose la nouvelle Maison des arts et de la création de l’institut d’études politiques de Paris. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un lieu physique, même s’il est question de créer un espace d’exposition dans le campus rutilant de la place Saint-Thomas-d’Aquin, à deux pas de l’Assemblée nationale. Plutôt d’une philosophie, que Laurence Bertrand Dorléac, première historienne de l’art à prendre la tête de la Fondation nationale des sciences politiques, une fonction habituellement préemptée par des politologues, définit en ces termes : « Il est aussi important d’apprendre à regarder les images qu’à lire des textes. » Nommé en 2021 à la tête de Sciences Po pour tourner la page ouverte avec les accusations d’inceste contre l’ancien président Olivier Duhamel, Mathias Vicherat en est foncièrement convaincu. « L’art est la nouvelle frontière », affirme l’ex-secrétaire général de Danone, mordu de rap et persuadé que « les échanges entre pratiques artistiques et sciences humaines sont féconds ».

Si les grandes universités américaines disposent depuis longtemps d’équipements culturels de pointe – Harvard possède plus de douze musées –, leurs homologues tricolores ne se sont que tardivement adressées à la sensibilité artistique des étudiants. « Le problème majeur reste la méconnaissance de ce qu’est l’art, mais aussi de l’artiste : qui est-il ? comment travaille-t-il ? Car c’est aussi un métier », relève Jeanne Turpault, qui a créé un enseignement diplômant « Art et optique » à l’université Paris-Saclay.

(source: lemonde.fr)