M23

En RDC, le gouvernement envisage de rétablir la peine de mort pour les militaires

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Cette annonce intervient alors que l’armée congolaise ne cesse de reculer face à l’offensive des rebelles du M23 dans l’est du pays.

Un soldat congolais à Kanyaruchinya, au nord de Goma, dans l’est de la RDC, le 15 novembre 2022. ALEXIS HUGUET / AFP

Alors que les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) sont en difficulté face à la nouvelle offensive du Mouvement du 23-Mars (M23) dans l’Est, le gouvernement envisage de lever le moratoire sur la peine de mort pour les militaires. L’annonce a été faite par Jean-Pierre Bemba, le vice-premier ministre chargé de la défense nationale, qui a expliqué avoir soumis une recommandation « lorsqu’il s’agit de cas de trahison au sein des FARDC » lors d’un conseil supérieur de la défense présidé par le président Félix Tshisekedi, le 5 février. La question a été soumise quatre jours plus tard au conseil des ministres par la ministre de la justice, Rose Mutombo. C’est désormais au chef de l’Etat de trancher.

La peine n’est plus appliquée depuis 2003, mais des condamnations à mort continuent d’être prononcées. En 2022, elles concernaient 800 prisonniers congolais, dont 163 avaient été condamnés dans l’année. « Pour les autorités congolaises, le maintien de cette peine s’est justifié jusqu’à présent par le très haut niveau d’insécurité dans l’est du pays », explique Bob Kabamba, chercheur sur l’Afrique centrale à l’Université de Liège.

S’il ne s’agit pas encore de la levée effective du moratoire, le simple fait qu’elle soit évoquée par le gouvernement inquiète les organisations des droits humains. « Cette mesure revient à soutenir qu’en période de conflit, les droits humains n’ont que peu de valeur », déplore Clément Boursin, responsable Afrique subsaharienne au sein de l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France). Selon Pierre Boisselet, directeur des recherches sur la violence au sein de l’institut congolais Ebuteli, il s’agit avant tout d’un message « qui s’adresse à l’armée congolaise ». Au sein de l’état-major, « il y a des suspicions concernant des officiers qui traitent avec l’ennemi, voire qui lui donnent des ordres favorables », poursuit-il.

Un des objectifs serait de mettre en garde les soldats contre des attitudes jugées peu patriotes, comme des officiers qui battent en retraite lorsque le rapport de force ne leur semble pas favorable. Néanmoins, rien n’assure que le rétablissement de la peine de mort permette de résoudre le problème au sein d’une armée mal équipée, mal entraînée, avec des soldats qui peinent parfois à recevoir leur solde tant la corruption est généralisée. « Il y a surtout un risque que cela dérape sur des règlements de comptes et que cela fragilise encore plus l’unité de cette armée », estime Pierre Boisselet.

Impasse

Ce débat intervient alors que Félix Tshisekedi, qui a été réélu en décembre avec 73 % des voix, ne parvient pas à tenir sa promesse faite il y a cinq ans : mettre fin à la guerre dans l’Est, en proie aux conflits armés depuis un quart de siècle. « Entre 2018 et 2023, Félix Tshisekedi a échoué à obtenir les résultats promis. Le conflit, qui lui était largement antérieur, s’est même aggravé et étendu », constate Bob Kabamba.

Depuis le 7 février, la reprise des combats par le M23, soutenu selon les experts des Nations unies par le Rwanda voisin, souligne l’impasse dans laquelle sont plongées les autorités. Les FARDC ne cessent de reculer, malgré le déploiement de militaires burundais et l’arrivée des premiers contingents sud-africains dans le cadre de la mission d’Afrique australe en RDC (SAMIRDC), qui remplacent ceux de la force est-africaine, considérés trop passifs par Kinshasa. Désormais, Goma, la capitale du Nord-Kivu, est menacée ; les accès sud, ouest et nord de la ville ont été pris par la rébellion. Lire la suite »

Emmanuel Macron promet 34 millions d’euros d’aide humanitaire à la RDC

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À Kinshasa, le président français s’est engagé à jouer un rôle central dans le pont aérien humanitaire vers Goma, annoncé par l’UE samedi matin.

Emmanuel Macron est retourné sur le difficile terrain de la diplomatie de guerre ce samedi 4 mars en République démocratique du Congo, dernière étape de sa tournée africaine, où ses efforts de paix dans l’est du pays face à la rébellion du M23 sont contestés. Après un sommet sur les forêts tropicales à Libreville, un accord de coopération agricole à Luanda et un hommage à la France Libre à Brazzaville, place au grand «chaudron» de Kinshasa.

Le chef de l’État est arrivé vendredi soir dans la capitale du plus grand pays francophone du monde et a tenu une conférence de presse samedi midi avec son homologue Félix Tshisekedi. «C’est dans le malheur qu’on reconnaît ses amis, les relations entre la RDC et la France sont au beau fixe», a assuré le président de la RDC en guise d’introduction.

34 millions d’aide humanitaire

En premier lieu, le dirigeant a indiqué que la France serait le premier État à répondre à l’initiative de l’UE de mettre en place un pont aérien humanitaire vers Goma, ville de l’est de la RDC touchée par la résurgence de la rébellion du M23. L’Hexagone y participera à hauteur de «34 millions d’aide humanitaire, qui s’ajouteront aux 50 millions promis par l’Union européenne». Emmanuel Macron a également déclaré que tous les acteurs du conflit, y compris les membres du M23, ont «apporté un soutien clair» à un cessez-le-feu dès «mardi prochain».

Le président français a ensuite exposé les quatre grands domaines de coopération à venir entre l’Hexagone et la RDC. «Le Congo ne peut être le Congo sans la grandeur», a-t-il justifié, paraphrasant le général de Gaulle. Emmanuel Macron a ainsi annoncé un «partenariat nouveau sur le plan sécuritaire et militaire», rappelant que la RDC était déjà «le premier partenaire dans le domaine de la formation militaire».

Sur le plan économique ensuite, le président français a insisté sur une plus grande collaboration, «du numérique jusqu’au domaine minier, pour une exploitation au service des Congolais».

Mettre l’accent sur les domaines scientifique et culturel

Emmanuel Macron a également appelé à ne pas négliger les domaines scientifiques et de recherche. Il a rappelé que la France s’était engagée dans la lutte contre Ebola et s’est félicité de la collaboration avec l’Afrique sur la pandémie de Covid-19. «Mais je souhaite qu’on aille plus loin sur les échanges scientifiques et universitaires», a-t-il ajouté, tout en mettant l’accent sur «la biodiversité».

Enfin, le président de la République a annoncé vouloir mettre l’accent sur le domaine culturel, en fournissant à la RDC «outils et réseaux pour l’aider à se développer» dans plusieurs domaines comme les jeux vidéo, la bande dessinée ou encore l’e-sport, qui sont à ses yeux des «moyens d’expression de la jeunesse».

Avant de conclure sur l’importance de la langue française, soulignant que la RDC était «le premier pays francophone au monde de par sa démographie». «À mes yeux, la langue française n’est pas seulement un trait d’union mais un trésor en partage, dont vous êtes devenu le centre de gravité», a-t-il déclaré, s’adressant au président Félix Tshisekedi.