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Madagascar : Une mémoire courte et sélective

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Jean Pierre Domenichini, archéologue, malgache d’adoption qui a contribué aux différentes recherches sur la Grande-Ile.

Dans son sens large, l’histoire embrasse tous les faits humains du passé moyennant des preuves matérielles et idéelles. Il englobe tout ce qui appartient au comportement humain, ainsi que les réactions et manifestations de tout genre d’individu dans leur milieu : les faits culturels, sociaux, psychologiques et même psychiques y entrent en jeu. Au cours de sa lutte pour vivre dans un milieu, l’homme s’y adapte pour subvenir à ses besoins quotidiens. Ainsi est née la création de l’histoire en rapport avec les besoins « sensuels » de l’homme, en rapport avec ses « plaisirs intellectuels, politiques et religieux ». C’est dans ce sens que les érudits et les universitaires ont  porté leur  attention sur la réécriture de l’histoire de Madagascar à laquelle l’historiographie coloniale a pris une large part pour justifier la présence française à Madagascar. Quels sont les indices visibles de la pérennité  de l’historiographie coloniale ? Pourquoi maintient-on « l’histoire sélective et tendancielle » exaltant des groupes dominants et vainqueurs ? Tout cela conduit à la réécriture et à la refonte des programmes scolaires destinés aux enfants malgaches. D’après l’historienne-archéologue Noro Andriamanantena, « supprimer l’histoire et la géographie de Madagascar à l’époque coloniale n’avait pour but que de former les élèves à l’esprit français ». Malgré  l’histoire soi-disant «malgachisante» des années soixante-dix, différentes visions coloniales restent toujours d’actualité.

Sommes-nous de l’Asie ou du continent noir ?

Devant ces lacunes, deux points parmi tant d’autres  attirent la contribution des historiens,  archéologues  et anthropologues : d’abord, l’origine des Malagasy manipulée par l’Administration coloniale et ensuite, le terme « Vazimba » dévalorisé par les missionnaires chrétiens. Missionnaire luthérien norvégien, Lars Dahle, connu pour ses travaux d’ethnologie et de linguistique, fut le premier à poser les fondements de la théorie sur les types humains présents à Madagascar, il posa, en 1883, la question de savoir lequel, du type africain ou du type malayo-polynésien, était arrivé en premier : le peuplement d’une île s’expliquait par le continent voisin et à chaque continent correspond une couleur de peau. Sa formation théologique et ses activités missionnaires l’ont conduit à se pencher sur la Bible : « si les Asiatiques étaient arrivés les premiers, jamais les Africains n’auraient pu venir s’établir à Madagascar, puisque les Asiatiques, plus intelligents et plus belliqueux, les en auraient empêchés ». En outre, Africains ou Asiatiques attirent les débats devant les minorités arabes? Colonisée à 80% par les Français au XXème siècle, l’Afrique, même si elle était l’embryon de la civilisation et de l’Humanité, fut dévalorisée. Les colonisateurs ont voulu intégrer la Grande Île dans le cercle de l’ « Afrique colonisée » en avançant que les Malgaches  sont d’origine africaine.  « Quant à Ferrand, on rencontre chez lui au moins deux erreurs. Tout d’abord quand, s’en rapportant à la réduction des “Vazimba” à des nains dans les traditions locales, il a cru pouvoir en inférer une immigration de «Négrilles» d’Afrique, parce qu’il n’avait pas saisi que, strictement symbolique, cette “nanification” les assimile tout simplement à des personnes ayant perdu leur ancien rang dans la société », a avancé J.P Domenichini. Si les Français voulaient affirmer la présence bantoue à Madagascar vers le Vème siècle, leur expansion vers l’est, à partir du centre de l’Afrique, ne les a pas conduits jusqu’à la mer. Quant aux Austronésiens d’origine océanienne, ils touchaient Madagascar vers deux milles ans avant notre ère pour le cabotage et le renouvellement des vivres. L’aire austronésienne a déjà maîtrisé l’art de navigation maritime en haute mer, avec le kunlunbo ou bateaux des hommes noirs pour la recherche des condiments, des épices, du commerce de la soie et la pêche maritime.

« Vazimba, un être mystique ».

Arrivés à Madagascar, l’environnement naturel leur était familier tel que le bois utilisé à la fabrication des bateaux « vintanina, callophyluminophyllun  qui apporte une bonne destinée », l’igname (oviala), le taro (saonjo) et surtout l’accompagnement ou laoka (poisson) dont les habitants des côtes gardent toujours ce nom « lôko » pour désigner les poissons.

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