« L’avenir de la défense européenne passe par le couple franco-polonais »

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Face aux bouleversements nés de la guerre en Ukraine, les dirigeants français doivent dépasser leurs préjugés à l’égard de la Pologne, estime, dans une tribune au « Monde », le chercheur Pierre Haroche. Il faut s’appuyer sur ce pays, qui est en train de constituer la plus grande armée de terre d’Europe, pour bâtir la sécurité future du continent.

Les guerres sont des moments de vérité. La Russie s’est révélée ne pas être la grande puissance que beaucoup voyaient en elle. L’Ukraine a révélé sa force et son courage.

Mais la guerre rebat aussi les cartes au sein de l’Union européenne (UE). D’un côté, le couple franco-allemand n’a pas su – ou pas voulu – prendre la tête du mouvement européen de livraison d’armes à Kiev et a parfois envoyé un message peu lisible, tiraillé entre la défense de l’Ukraine et la main tendue à la Russie. D’un autre côté, s’il y a bien un moteur européen dans cette guerre, il vient clairement de l’Est.

La Pologne est ainsi le premier pays de l’UE en matière de soutien militaire à l’Ukraine. Quant à la première ministre estonienne, Kaja Kallas, elle démontre régulièrement son leadership politique, comme lorsque, au Conseil européen du 9 février, elle lance l’idée d’un mécanisme d’achat conjoint de munitions, idée sur laquelle planchent désormais toutes les institutions bruxelloises.

La France semble cependant ne pas avoir encore pris pleinement la mesure de cette nouvelle géopolitique. Les initiatives bilatérales récentes du gouvernement français témoignent encore d’une préférence pour le dialogue entre Européens de l’Ouest, que ce soient le traité de Barcelone signé avec l’Espagne le 19 janvier, la célébration du 60e anniversaire du traité de l’Elysée avec l’Allemagne le 22 janvier, ou encore le sommet franco-britannique du 10 mars.

Schéma vieux de vingt ans

La diplomatie française serait-elle en retard d’une guerre ? On peut se poser la question, tant les préjugés des dirigeants français à l’égard de l’Europe de l’Est ont la vie dure. On se souvient du « Ils ont manqué une bonne occasion de se taire » du président Chirac, commentant, en février 2003, le soutien apporté à l’invasion de l’Irak par des pays d’Europe centrale et orientale alors candidats à l’entrée dans l’UE. En septembre 2022, le président Macron faisait écho à son prédécesseur en dénonçant les « va-t-en-guerre » qui feraient courir à l’Europe le risque d’une extension du conflit ukrainien.

De nombreux Français semblent en effet ne pas avoir dépassé le schéma d’il y a vingt ans, dans lequel les Européens de l’Est sont des « atlantistes » ou des « néoconservateurs », dont la France, ce « vieux pays », devrait se tenir éloignée, au nom de la défense d’une Europe indépendante et œuvrant pour la paix.

Seulement voilà, aujourd’hui, ce ne sont pas les Etats-Unis, mais bien la Russie qui a envahi un Etat sans raison légitime, au mépris de la Charte des Nations unies. Et les Européens de l’Est n’en sont plus à suivre Washington, mais jouent bel et bien un rôle d’avant-garde dans un conflit qu’ils ont vu venir …

(source: lemonde.fr)

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