Un discours de Joe Biden, une prière de Donald Trump : l’intrusion effrayante de l’intelligence artificielle en politique

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Des applications comme ChatGPT devraient constituer un outil inédit pour les équipes de campagne en vue de l’élection présidentielle américaine de 2024. Un recours à l’IA synonyme de menaces pour la qualité du débat public.

ILLUSTRATION « LE MONDE »

Joe Biden écrit : « Ma campagne sera focalisée sur les valeurs qui m’ont guidé au cours de ma carrière : la décence, l’honnêteté, le respect de tous. Je crois que nous devons nous rassembler, en tant que pays, et travailler en vue d’un objectif commun, fait de progrès et d’unité. » Le président ajoute ceci : « Chaque donation, aussi petite soit-elle, nous aidera à bâtir un mouvement sur le terrain qui permettra d’avoir un impact réel sur la vie des Américains. »

Joe Biden n’a jamais écrit cela. Il n’a fallu qu’une poignée de secondes pour adresser une demande élémentaire à ChatGPT, le premier prototype d’intelligence artificielle sous forme de conversation en ligne : « Ecris une lettre aux militants démocrates pour lever des fonds en vue de la campagne présidentielle de Joe Biden en 2024. » La réponse s’afficha sur-le-champ. Beaucoup de poncifs ? Certes. Mais les responsables politiques bien humains en produisent chaque jour sur les antennes.

Dans l’idéal, il faudra repeigner le style de ChatGPT, aiguiser les formules et actualiser l’argumentaire, mais la démonstration est faite : l’intelligence artificielle (IA) sera sans doute un outil inédit dans l’élection présidentielle à venir. « Les ingénieurs républicains et démocrates font la course dans le développement d’outils exploitant l’IA afin de rendre la publicité plus efficace, de s’engager dans l’analyse prédictive du comportement populaire, de produire du contenu de plus en plus personnalisé et de découvrir de nouveaux modèles dans les montagnes de données électorales », résumait le New York Times dans un article passionnant publié le 28 mars. On y apprenait notamment que le Comité national démocrate utilisait déjà l’IA pour rédiger des brouillons, corrigés ensuite par des mains humaines.

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Erosion de la vérité

Les stagiaires employés par les équipes de campagne pour des tâches subalternes et souvent répétitives ont du souci à se faire : les ordinateurs risquent de les remplacer, en toute autonomie, grâce à leur capacité d’apprentissage. Mais cette intrusion de l’IA dans la politique est surtout lourde de menaces pour la santé du débat public, déjà très abîmé par les deux derniers cycles présidentiels. On connaît, au sein du monde MAGA (« Make America great again », le slogan de Donald Trump), la tendance à rejeter des faits établis, à ne pas reconnaître une expertise (scientifique ou médicale), à succomber aux théories conspirationnistes. Cette érosion de la vérité, renvoyant chacun à ses seules convictions en carton, risque de s’accroître dans des proportions effrayantes avec l’IA.

(source: lemonde.fr)

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