Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, ministres français et allemand de la Défense : « Nous devons nous réjouir d’avoir des armées plus fortes »
Dans un rare entretien commun, les deux ministres reviennent pour « Le Monde » sur leurs priorités respectives, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Ils reconnaissent notamment une divergence importante sur le bouclier antimissile européen.

Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, reçoit son homologue, Boris Pistorius, sur la base aérienne d’Evreux, jeudi 21 septembre, pour relancer le projet franco-allemand de char de combat MGCS (« main ground combat system »). L’occasion d’évoquer les différends en matière de défense qui tendent les relations entre les deux pays.
La presse allemande a évoqué, il y a quelques jours, un nouveau projet européen de char entre Allemands, Espagnols et Italiens, ce qui a provoqué de l’émoi en France. Concurrence-t-il le projet franco-allemand du MGCS, lancé en 2017 et qui semble à l’arrêt ?
Boris Pistorius : Vous avez raison, il existe un projet européen de développement d’un char d’assaut moderne. Mais ce n’est pas un projet lancé par des Etats. Ce sont des entreprises privées de l’industrie de l’armement qui y participent.
Ce projet ne représente donc pas pour nous une alternative au MGCS. Sébastien Lecornu et moi-même sommes déterminés à poursuivre le projet MGCS et à poser ainsi les bases d’un des systèmes blindés le plus moderne au monde. Nos équipes et nous-mêmes, nous retrouvons pour cela très régulièrement et menons des discussions intenses. Notre idée commune est de penser le MGCS comme un projet ouvert de façon que d’autres partenaires membres de l’Union européenne [UE] puissent le rejoindre.
On sent une volonté politique de faire aboutir le MGCS, mais c’est plus compliqué entre l’industriel français Nexter et ses partenaires allemands Rheinmetall et KMW. Comment réussir à les faire s’entendre ?
B. P. : L’industrie de défense se fixe ses propres objectifs. Mais le MGCS est un projet des gouvernements français et allemand. Ce sont donc nos deux gouvernements qui donnent le rythme. Nous décidons ensemble des différentes étapes de sa réalisation. Nous continuerons évidemment à travailler avec les industriels et définirons ensemble les conditions pour ceux qui participent au projet.
Sébastien Lecornu : C’est aux Etats de tenir le cahier des charges, car ce sont eux qui seront clients pour leurs propres armées. Avec Boris Pistorius, nous avons fait un choix méthodologique pragmatique, comme nous l’avions fait pour le lancement du SCAF [avion de combat du futur], qui est de permettre un dialogue entre nos armées de terre pour nous assurer que nous avons bien besoin du même char. Nous parlons d’un char pour les trente, quarante, voire cinquante ans à venir.
Avec le MGCS, nous ne sommes pas seulement sur la succession du Leopard allemand ou du Leclerc français, mais bien sûr la définition d’un système d’armes de nouvelle génération avec des ruptures technologiques importantes. Jeudi, à Evreux, nous validerons politiquement les besoins opérationnels exprimés par les états-majors de nos deux armées. Cela nous permettra de définir ensuite des « piliers » de responsabilité, sur les feux [l’armement du char], sur la connectivité, etc.
(source: lemonde.fr)