Pourquoi, en Russie, les droits LGBT sont-ils particulièrement visés depuis la guerre en Ukraine

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Vladimir Poutine poursuit son raid contre les « valeurs décadentes » de l’Occident en bannissant ce qu’il appelle le « mouvement international LGBT ».
Par Marie Terrier avec AFP

TWITTER/@EBOTTCHER Des drapeaux des communautés LGBT à New York (image d’illustration).

LGBT – La Russie s’enfonce un peu plus dans sa guerre des valeurs contre l’Occident. La Cour suprême a banni ce jeudi 30 novembre le mouvement « international » LGBT +, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires et des peines de prison contre les homosexuels et militants défendant leurs droits.

La décision a été prise par le juge Oleg Nefedov, qui a ordonné de « reconnaître comme extrémistes le mouvement international LGBT et ses filiales, d’interdire leurs activités sur le territoire de la Fédération russe », selon des correspondants de l’AFP sur place. Il a précisé que cette interdiction entrait « immédiatement » en vigueur, répondant ainsi totalement à la demande du ministère russe de la Justice faite mi-novembre.

Les organisations visées ne sont expressément nommées. Toute activité publique associée à ce que la Russie considère comme des préférences sexuelles « non traditionnelles » pourrait donc désormais être sanctionnée par de lourdes peines de prison. Jusqu’à présent, les personnes LGBT + risquaient de fortes amendes si elles étaient accusées de faire de la « propagande », le terme employé par les autorités, mais pas d’emprisonnement.

« En pratique, les autorités pourraient commencer à ouvrir des affaires pénales contre des personnalités publiques et des militantes et militants pour instaurer un climat de peur », a estimé Maxime Olenitchev, un juriste de l’ONG Pervy Otdel, qui vient en aide aux victimes de répressions en Russie.

Poutine ennemi de l’Occident

Ian Dvorkine, fondateur de l’ONG Centre T, qui aide les personnes transgenres, a ainsi fui le pays par crainte d’être accusé « d’extrémisme » et d’être jeté en prison pour avoir créé cette association. Pour lui, ce procès visant un « mouvement » n’existant pas officiellement en Russie est « un nouveau pic de folie ». « Tout le monde pourrait tomber sous (cette accusation) d’extrémisme », s’indigne-t-il.

« Même si le mouvement international LGBT n’existe pas, il est clair que toutes les activités légales des associations LGBT vont devenir impossibles en Russie », regrette pour sa part dans le Guardian Igor Kochetkov, membre du groupe LGBT Network. Cette loi, ajoute-t-il, fait partie de la stratégie de la Russie de « créer des ennemis imaginaires dans le cadre de son idéologie promouvant les “valeurs traditionnelles” ».

La décision du juge Nefedov s’inscrit dans le virage ultraconservateur pris par Moscou, qui cible tous les opposants au pouvoir et encore plus les personnes LGBT +. La Russie de Vladimir Poutine, avec le soutien de l’Église orthodoxe, veut se poser en porte-drapeau des valeurs « traditionnelles » face à l’Ouest qui donne des droits aux transgenres et autorise les couples homosexuels à se marier.

La rhétorique violente du président russe contre des valeurs qu’il juge décadentes s’est accentuée depuis le début de la guerre en Ukraine, où l’Occident est clairement identifié comme l’ennemi.

Lors de son discours sur l’état de l’Union le 21 février dernier, trois jours avant le premier anniversaire du conflit, il a estimé que les pays de l’ouest étaient en pleine « dégénérescence » et avait assuré que « même la pédophilie y est devenue normale ».

De multiples lois contre la communauté LGBT +

« L’Occident reconnaît le mariage homosexuel. (…) Les textes sacrés sont remis en question », avait-il aussi déclaré lors de son allocution. « Et les prêtres sont obligés de bénir les mariages entre homosexuels », a-t-il encore dénoncé. Quelques semaines plus tôt, le maître du Kremlin affirmait également que l’Occident était perverti par le « satanisme ».

Ces diatribes se transforment en lois répressives. Outre l’interdiction pour « extrémisme » du mouvement international LGBT, le parlement russe a banni cet été les transitions de genre (opérations, état civil), et interdit les personnes transgenres d’adopter des enfants.

Vladimir Poutine a aussi interdit la « propagande LGBT » dans une loi signée il y a tout juste un an, rendant illégal le fait de « faire la promotion de relations sexuelles non traditionnelles » auprès des adultes. Ce texte est l’extension d’un autre très décrié de 2013, qui bannissait cette même « propagande » LGBT + auprès des mineurs. Elle s’étend maintenant à tous les publics : les médias, sur Internet, dans les livres et dans les films. Et ce n’est sûrement pas fini.

(source: huffingtopost.fr)

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