Kaïs Saïed
La francophonie entend peser sur la résolution de crises en Afrique

Au terme de la deuxième et dernière journée du sommet consacré à la francophonie dimanche, les pays membres ont convenu d’intensifier le rôle de médiateur de l’organisation dans la résolution des conflits en Afrique. Le sommet a aussi réélu Louise Mushikiwabo, seule en lice, à la tête de l’OIF pour un nouveau mandat de quatre ans, et désigné la France à la présidence de la francophonie en 2024, pour succéder à la Tunisie.
Une « francophonie de l’avenir ». Telle est la conclusion finale du sommet des 88 pays membres du bloc francophone qui s’est achevé dimanche 20 novembre en Tunisie avec l’objectif affiché de peser plus dans le règlement de crises, notamment en Afrique.
« Djerba n’a pas déçu…La Tunisie n’a pas déçu », a estimé la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, lors d’une conférence de presse en clôture du sommet. « Nous sommes en route vers une francophonie de l’avenir, modernisée, beaucoup plus pertinente », a-t-elle ajouté.
Sur l’île de Djerba, les travaux du dimanche ont été en grande partie consacrés à la « défiance citoyenne », avec des populations lassées des « turbulences » politiques, notamment en Afrique de l’Ouest où se sont produits récemment des coups d’État au Mali ou au Burkina Faso.
« Toutes les zones de conflit ont été sujettes à de longs débats », a détaillé l’ancienne cheffe de la diplomatie rwandaise, interrogée sur les tensions entre République démocratique du Congo et Rwanda, ou entre Arménie et Azerbaïdjan.
« La Francophonie est une organisation qui soutient, un catalyseur » pour œuvrer « à la médiation entre les parties en conflit », a-t-elle souligné. Mais cette organisation aux moyens budgétaires limités agit surtout via des « soutiens techniques », par exemple pour la préparation d’élections.
Réélection de Louise Mushikiwabo
Et pour la médiation des conflits, l’OIF travaille « en subsidiarité aux organisations régionales plus proches des conflits ».
En revanche, les dirigeants réunis à Djerba veulent, selon elle, « continuer la réflexion pour améliorer la relation entre citoyens et gouvernants dans un format beaucoup plus inclusif » et ouvert aux sociétés civiles.
La Déclaration de Djerba, adoptée à l’issue du sommet, contient en outre une « déclaration claire », dont la teneur n’a pas été dévoilée, sur l’invasion russe de l’Ukraine, à la demande du président Emmanuel Macron.
Pourtant, ce dossier brûlant ne fait pas consensus sur le continent africain où certains pays sont très proches de la Russie et regrettent l’empressement occidental à aider l’Ukraine qui contraste avec un manque d’intérêt pour leurs propres crises.
En Tunisie, le président Kaïs Saïed publie son projet de Constitution
Le texte, qui sera soumis à référendum le 25 juillet, accorde de vastes pouvoirs au chef de l’Etat.
Le président tunisien Kaïs Saïed a fait publier jeudi 30 juin un projet de Constitution qui sera soumis à référendum le 25 juillet et accorde de vastes pouvoirs au chef de l’Etat, marquant une rupture radicale avec le système parlementaire en place.
Le texte, publié au Journal officiel, confirme la présidentialisation attendue du régime en stipulant que le « président de la République exerce le pouvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement » qu’il désigne. Ce gouvernement ne sera pas présenté au Parlement pour obtenir la confiance.
Le président, selon le projet publié, jouira en outre de vastes prérogatives : il est le chef suprême des forces armées, définit la politique générale de l’Etat et entérine les lois. Il peut aussi soumettre des textes législatifs au Parlement, « qui doit les examiner » en priorité. Outre le fait que le texte réduit considérablement le rôle et le pouvoir du Parlement, il prévoit également la mise en place d’une seconde chambre, « l’Assemblée nationale des régions ».
Le projet de Constitution garantit « les droits et les libertés individuelles et publiques » et affirme que les hommes et les femmes sont « égaux dans les droits et les devoirs ». Il stipule en outre que le droit de « rassemblement et de manifestation pacifiques est garanti ».
« Un président omnipotent »
La nouvelle Constitution doit remplacer celle de 2014 qui avait instauré un système hybride source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative. L’opposition et des organisations de défense des droits humains accusent M. Saïed de chercher à faire adopter un texte taillé sur mesure pour lui.
Le directeur de la Commission internationale de juristes, Saïd Benarbia, a affirmé à l’AFP que le projet de Constitution publié jeudi « bafoue l’idée de séparation des pouvoirs » et met en place « un système présidentiel sans contre-pouvoirs avec un président omnipotent, un parlement impuissant et une justice inoffensive ».
Après des mois de blocage politique, M. Saïed, élu fin 2019, s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 en limogeant le premier ministre et en suspendant le Parlement, dominé par Ennahda, faisant vaciller la jeune démocratie, berceau des « printemps arabes ». Le référendum sur la Constitution coïncidera avec le premier anniversaire de ce coup de force.
Présidentielle en Tunisie : Kaïs Saïed s’est fait élire « sans programme et sans campagne électorale »
« Une révolution par les urnes »
Plus de huit ans après la chute de la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali, la Tunisie semble connaître une réplique sismique du Printemps tunisien avec l’irruption de Kaïs Saïed, 61 ans, à la tête de l’Etat. Sa vision du monde, dans laquelle un conservatisme moral et religieux teinté de souverainisme cohabite avec un projet de démocratie directe renversant la pyramide de l’Etat, aura séduit une majorité de Tunisiens impatients de sanctionner un establishment politique ayant trahi à leurs yeux les espérances du soulèvement de 2011. Kaïs Saïed, c’est un peu le boomerang de la révolution.