options possibles

Madagascar: Népalisation inversée ?

Publié le

La séquence qui a commencé depuis le jeudi 25 septembre a clairement mis en lumière deux processus différents. D’une part, les manifestations pacifiques de la Gen Z Madagascar pour revendiquer la fin des délestages et le respect des droits fondamentaux. D’autre part, les pillages qui ont eu lieu, s’attaquant d’abord aux commerces, puis ensuite aux domiciles de particuliers. Ceux qui ont appelé à répliquer les mouvements qui se sont déroulés à Katmandou il y a quelques semaines auraient-ils obtenu une népalisation, mais inversée ?

Avant le 25 septembre, les appels à s’en prendre aux domiciles des hiérarques du pouvoir, en partageant leurs adresses sur les réseaux sociaux, avaient créé un climat de terreur dans les cercles dirigeants. Toutefois, à présent, ce sont les citoyens qui sont les victimes de ce terrorisme : les appels à la violence ont été suivis d’effets. Toutefois, les victimes ne sont plus celles qui étaient désignées d’avance car les pillages s’en prennent aveuglément à leurs cibles. Du moins, presque aveuglément, car on observe que les biens de certains oligarques sont étrangement et systématiquement épargnés.

De toute évidence, les deux processus de revendications et de pillages sont indépendants, même s’ils se déroulent dans la même fenêtre temporelle. On ne peut en aucun cas imaginer que c’est la Gen Z Madagascar, encore en quête d’organisation, qui pourrait être derrière les actes de vandalisme. L’observation du phénomène met en évidence que les pillages ne sont aucunement spontanés et reflètent une organisation orchestrée en sous-main. Les deux questions à creuser sont donc celles-ci : qui et pourquoi ?

La question du « qui » a déjà été partiellement abordée dans notre précédente analyse. De par l’expérience de la vie politique malgache depuis la Deuxième République, et notamment au vu de ce qui a été observé pendant la crise de 2009, les regards soupçonneux se tournent spontanément vers le pouvoir en place. Sa motivation serait que la psychose créée par les pillages peut avoir comme effet indirect un bris de la dynamique des manifestations en en réduisant l’affluence, d’une part parce que la population va préférer rester chez elle pour veiller sur ses biens, et d’autre part parce que l’amalgame créé entre pillages et manifestations va finir par discréditer ces dernières.

Il y a toutefois une deuxième hypothèse possible. Les pillages pourraient être l’œuvre de groupes politiques désireux de fragiliser le pouvoir. Le premier réflexe serait de penser à l’opposition politique. Toutefois, l’échec de la « révolution des choux-fleurs » de 2023 montre que l’opposition est faible et ne dispose pas des relais qui seraient nécessaires auprès des bas-quartiers et du milieu du rugby, vivier habituel des gros bras et casseurs depuis des décennies. En revanche, on peut imaginer que ces actes de vandalisme pourraient être à l’initiative de groupes proches du pouvoir, mais qui désireraient se débarrasser d’Andry Rajoelina, et notamment empêcher toute velléité de troisième mandat.

Cette deuxième hypothèse est donc celle d’une guerre interne entre deux clans du même régime, dont l’un souhaiterait accéder de manière plus directe au pouvoir et à ses avantages. L’attrait des prébendes a toujours généré à un moment ou à un autre des Iznogoud parmi ceux qui sont frustrés de « ne manger que des miettes” dans l’ombre de celui qui est en première ligne. En science politique, un coup d’État n’est pas toujours l’œuvre de l’opposition.

La journée d’aujourd’hui s’annonce encore une fois tendue, avec un appel de la Gen Z Madagascar à un large rassemblement au campus d’Ambohitsaina. Depuis jeudi, les forces de l’ordre ont choisi de réprimer dans la brutalité une manifestation pacifique de jeunes aux mains nues. Il est à craindre que les déclarations peu éclairées ce dimanche d’Andry Rajoelina n’encouragent davantage les forces de l’ordre dans la répression, et les gros bras dans les pillages. Les officiers de gendarmerie qui se sont rendus coupables des exactions de la semaine passée savent d’ailleurs que la démonstration de la capacité à maîtriser les manifestations d’opposition dans la Capitale est un accélérateur de carrière. Depuis 2009, tous les colonels ayant eu ce genre de responsabilités à la Circonscription inter-régionale de la gendarmerie à Antananarivo (CIRGN) se sont très vite retrouvés étoilés, de Richard Ravalomanana à Zafisambatra Ravoavy, en passant par Andry Rakotondrazaka. Il est donc prévisible que l’ambitieux lieutenant-colonel Tojo Raoilijon cherche à leur emboîter le pas dans la répression féroce face à la Gen Z Madagascar. Celle-ci ne fait pourtant que revendiquer ce qui devrait être un droit fondamental du XXIème siècle : un accès décent à l’eau et l’électricité

De ce qui précède, il semble que deux principaux scenarii se dégagent.  Lire la suite »