OTSC
Dans l’ancien empire soviétique, la reprise des conflits révèle l’impuissance de la Russie
Affrontement entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, offensive de l’Azerbaïdjan à la frontière arménienne… Affaibli par le conflit en Ukraine, Moscou peine désormais à tenir le rôle d’arbitre qu’elle revendique dans les Etats de l’ex-espace soviétique.

En contrepoint du fiasco militaire russe en Ukraine, le fracas des armes s’élève à nouveau aux quatre coins de l’ancien empire soviétique. En Asie centrale, au moins cent personnes ont perdu la vie au cours des derniers jours à la frontière contestée entre le Tadjikistan et le Kirghizistan. Dans le Caucase, une offensive menée par Bakou à la frontière arménienne a provoqué un nombre encore supérieur de victimes la semaine dernière.
Le retour prévisible de la violence révèle en creux une Russie incapable de réaliser son ambition de redevenir le garant de la stabilité dans l’ex-espace soviétique. Sous la houlette de Moscou, l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), dont les pays belligérants font partie, à l’exception de l’Azerbaïdjan, brille par son incapacité à peser dans un conflit comme dans l’autre.
Le conflit frontalier entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, deux pays parmi les plus pauvres du monde, couve depuis trente ans avec de courtes éruptions de violence. Celles de la semaine dernière sont sans précédent par leur ampleur. Bichkek a pour la première fois utilisé des drones d’attaque Bayraktar (achetés à la Turquie), tandis que de part et d’autre, des dizaines de blindés se faisaient face, sous des duels d’artillerie lourde (dont les fameux lance-roquettes Grad). L’objet du conflit ne change pas : il s’agit de la souveraineté sur l’enclave tadjike de Vorukh, située à l’intérieur du territoire kirghiz ; le contrôle de la route reliant l’enclave au Tadjikistan, ainsi que le partage des ressources en eau locales.
Très affaibli par des scandales de corruption et une instabilité politique persistante, le régime semi-démocratique kirghiz accuse le Tadjikistan, une dictature dirigée depuis trente ans par un Emomali Rahmon à la santé aujourd’hui déclinante, d’avoir fomenté une invasion de son territoire. Selon Bichkek, qui indique avoir évacué de la zone 142 000 civils, l’armée tadjike aurait pour la première fois utilisé des « mercenaires afghans » qui se seraient livrés à des pillages aux dépens de civils. Côté tadjik, le vice-ministre des affaires étrangères Imomi Sodik revendique un nouveau tracé des frontières reliant Vorukh au territoire tadjik, arguant que « dans les années 1920-1930, le pouvoir soviétique a transféré trois territoires tadjiks à la République socialiste du Kirghizistan sans respecter les procédures légales ».
Remontrances à Samarcande
Lundi soir, les directeurs des services de sécurité des deux pays annonçaient à 23 heures locales dans un communiqué commun avoir « signé un protocole de stabilisation de la situation à la frontière ». Aucune explication de part et d’autre n’a été donnée sur la simultanéité de cette éruption sanglante avec le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, organisé au même moment chez leur voisin commun l’Ouzbékistan, sous la houlette de la Chine.
(source: lemonde.fr)