Tigré
L’Ethiopie veut faire oublier la guerre en accueillant le sommet de l’Union africaine
Le premier ministre Abiy Ahmed a milité pour que les chefs d’Etat africains se réunissent en présentiel à Addis-Abeba samedi 5 et dimanche 6 février.

Comme chaque année au moment du sommet de l’Union africaine (UA), les drapeaux des cinquante-cinq Etats membres pavoisent les avenues d’Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie où siège l’institution. Pour cette édition, qui se tient samedi 5 et dimanche 6 février, les autorités éthiopiennes y ont ajouté une touche nouvelle avec des affiches géantes au ton plus politique.
« L’Afrique mérite un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies », revendique l’une d’elles, tandis qu’une autre proclame : « Nous aspirons à un continent uni. » Le hashtag #NoMore (« assez ») est, lui, omniprésent. Ce slogan, lancé par Addis-Abeba pour contrer les pressions internationales lors de la guerre civile éthiopienne, est aussi conçu comme un symbole du panafricanisme.
Après un précédent sommet de l’UA organisé de façon virtuelle en 2021, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a déployé beaucoup d’efforts pour un événement « en présentiel », plutôt que le format hybride initialement privilégié. « Abiy Ahmed a fait un lobbying intense pour que le sommet se déroule physiquement à Addis-Abeba », confirme une source proche de l’organisation continentale.
Le leader éthiopien cherche à redorer son blason, entaché par le conflit dans la province du Tigré, où de possibles crimes contre l’humanité auraient été perpétrés selon une enquête des Nations unies. Avec la venue des chefs d’Etats africains en Ethiopie, « il s’agissait pour lui d’envoyer un message fort sur la fin de la guerre et son contrôle de la situation », poursuit cette source.
« Vague de détentions à motivation ethnique »
En effet, après une avancée rapide des rebelles des Forces de défenses tigréennes (TDF) qui se sont approchés à moins de 200 kilomètres d’Addis-Abeba en novembre 2021, une contre-offensive gouvernementale a forcé l’insurrection à se replier en direction du Tigré, dans le nord du pays.
Les derniers mois ont été périlleux pour le lauréat du prix Nobel de la paix 2019. Face à la progression des TDF, de nombreux pays ont évacué leurs ressortissants en catastrophe et le premier ministre s’est mué en chef de guerre. Il a enfilé l’uniforme militaire pour se rendre au front et soutenir les troupes.
L’état d’urgence décrété par son gouvernement début novembre a débouché sur une importante série d’arrestations, visant des milliers de personnes d’origine tigréenne, qualifiée par Amnesty International de « vague de détentions à motivation ethnique ». En raison de ces violations des droits humains, les États-Unis ont exclu l’Ethiopie de l’accord commercial de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act).
En difficulté auprès de ses anciens alliés occidentaux, le premier ministre compte bien utiliser ce 35e sommet de l’UA comme une vitrine de la normalisation de la situation en Ethiopie. « Accueillir le sommet a beaucoup d’implications, notamment réaffirmer la paix et la stabilité en Ethiopie, réaffirmer notre engagement envers le continent et montrer à nos frères africains les bonnes conditions actuelles dans le pays, déclarait-il sur son compte Twitter le 16 janvier. De plus, nous [l’Ethiopie] allons bénéficier financièrement de ce sommet. »
La guerre du Tigré est un échec
En Ethiopie, les discours hostiles se multiplient vis-à-vis de l’Occident
Depuis quelques semaines, le gouvernement reproche plus ou moins ouvertement aux pays occidentaux, Etats-Unis en tête, de s’ingérer dans ses affaires internes.

« L’ambassade américaine, terroriste ! » Cette diatribe, postée le 27 novembre sur Facebook, émane de Taye Dendea, vice-ministre de la paix, l’équivalent du ministère de l’intérieur en Ethiopie. Dans son message, le responsable politique compare la chancellerie des Etats-Unis à un « cobra qui mord ». Il l’invite également à « quitter l’Ethiopie, et progressivement l’Afrique entière ».
Taye Dendea a rédigé ces mots deux jours après le défilé d’un millier de manifestants devant les ambassades américaine et britannique à Addis-Abeba – des bâtiments déjà largement vidés de leur personnel diplomatique du fait de la dégradation de la situation militaire – pour demander aux deux pays de « ne pas toucher à l’Ethiopie ».
Depuis quelques semaines, le gouvernement éthiopien reproche plus ou moins ouvertement aux pays occidentaux, Etats-Unis en tête, de s’ingérer dans ses affaires internes. Certains, comme le vice-ministre de la paix, vont jusqu’à accuser Washington de collusion avec le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), le parti tigréen à la tête d’une coalition rebelle en guerre contre le premier ministre Abiy Ahmed depuis plus d’un an dans le nord de l’Ethiopie.
Cette récente hostilité de l’appareil d’Etat à l’égard de l’Occident peut se résumer en un hashtag : #NoMore ou #Beka en langue amharique (#Assez). Popularisé sur les réseaux sociaux par la porte-parole d’Abiy Ahmed, le slogan s’est répandu comme une traînée de poudre au sein de la société éthiopienne. Il est brandi en réponse aux appels à un cessez-le-feu de la communauté internationale, après la récente avancée rebelle à moins de 200 kilomètres de la capitale Addis-Abeba.
« Nettoyage ethnique »
C’est pourtant bien le gouvernement éthiopien qui a exhorté Jeffrey Feltman, l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, à venir dans le pays fin octobre pour entamer des pourparlers avec les rebelles du Tigré.
Le Pape François s’inquiète de la situation en Éthiopie
La Salle de Presse du Saint-Siège fait part de l’attention du Pape François pour ce pays africain en proie à un grave conflit interne dans la région du Tigré.

Un communiqué de la Salle de Presse du Saint-Siège publié ce vendredi 27 novembre en fin de journée fait savoir que le Saint-Père suit les nouvelles en provenance d’Éthiopie, où un affrontement militaire se déroule depuis quelques semaines, affectant la région du Tigré et ses environs. La violence a fait des centaines de morts parmi les civils et des dizaines de milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs maisons au Soudan.
Lors de l’Angélus du 8 novembre dernier, le Pape François, se référant au conflit en cours en Éthiopie, avait déclaré: «Alors que j’exhorte à rejeter la tentation du conflit armé, j’invite tout le monde à la prière et au respect fraternel, au dialogue et à la résolution pacifique des désaccords».
Les affrontements, qui s’intensifient de jour en jour, provoquent déjà une grave situation humanitaire. Le Saint-Père, en appelant à la prière pour ce pays, demande aux parties au conflit de mettre fin à la violence, de sauvegarder la vie, en particulier celle des civils, et de rétablir la paix pour la population, indique encore le communiqué.
Un contexte de guerre qui brise un élan réformiste
Cet appel s’inscrit donc dans le contexte de la guerre en cours dans l’État du Tigré, au nord de l’Éthiopie, près de la frontière avec l’Érythrée voisine. Les informations circulent difficilement, mais il semble que le gouvernement central ait lancé jeudi une offensive majeure contre cette région dissidente.
Le Premier ministre Abiy Ahmed, qui bénéficiait jusqu’à présent d’une image internationale favorable grâce à l’accord de paix signé avec l’Érythrée qui lui avait valu d’être lauréat du prix Nobel de la Paix en 2019, a ordonné jeudi à l’armée de lancer la dernière phase de l’opération militaire déclenchée le 4 novembre contre le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti qui dirige la région et dont les dirigeants sont retranchés à Mekele, une ville de 500 000 habitants désormais encerclée par les forces fédérales. Dans ce contexte, plus de 40.000 Éthiopiens se sont réfugiés au Soudan voisin pour fuir le conflit.
Fer de lance de la lutte armée contre le régime militaro-marxiste du Derg, renversé en 1991, le TPLF a ensuite contrôlé l’appareil politique et sécuritaire de l’Éthiopie durant presque 30 ans. Progressivement écarté du pouvoir à Addis Abeba par Abiy Ahmed à partir du moment où celui-ci est devenu Premier ministre en 2018, le parti continue de dominer son fief du Tigré.
Éthiopie : les leaders tigréens «prêts à mourir» après l’ultimatum du président
Le président de la région dissidente du Tigré a déclaré lundi 23 novembre que son peuple était «prêt à mourir», au lendemain de l’ultimatum lancé par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed accordant 72 heures aux dirigeants tigréens pour se rendre.
Près de trois semaines après le début de cette opération militaire visant à restaurer son autorité, Addis Abeba projette d’«encercler» prochainement Mekele, capitale du Tigré et siège du gouvernement local du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Il y a dix jours, M. Abiy avait lancé un premier ultimatum aux soldats tigréens, les appelant à faire défection au profit de l’armée fédérale. Quelques jours plus tard, il avait annoncé que l’intervention entrait dans sa «phase finale».
«Combien de fois (Abiy Ahmed) a-t-il dit trois jours ? Il ne comprend pas qui nous sommes. Nous sommes un peuple de principes et prêt à mourir pour défendre notre droit à administrer notre région», a réagi auprès de l’AFP le président du Tigré et chef du TPLF, Debretsion Gebremichael. «Il s’agit de camoufler la défaite qu’ils ont subie aujourd’hui sur trois fronts. Afin d’avoir du temps pour se regrouper », a-t-il ajouté. M. Debretsion n’a pas précisé de quels «fronts» il parlait.
Combats en Éthiopie : l’armée éthiopienne a « libéré » le Tigré selon le Premier ministre Abiy Ahmed
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a affirmé jeudi que l’armée avait vaincu les forces séparatistes dans l’ouest du Tigré, accusant ces dernières de s’être livrées à des atrocités.
Amnesty International dénonce un « massacre » au Tigré