Ketakandriana Rafitoson : « Si les Malgaches sont misérables aujourd’hui, ce n’est pas la faute de la France »

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« De Dakar à Djibouti, radioscopie de la relation Afrique-France » (10). La directrice du bureau local de Transparency International estime que Paris doit contribuer à sanctionner ceux qui pillent la Grande Ile et ne plus financer certains projets comme le téléphérique d’Antananarivo.

Ketakandriana Rafitoson est directrice du bureau malgache de l’ONG Transparency International.

Alors que la liberté d’expression recule à Madagascar, Ketakandriana Rafitoson incarne le courage d’une nouvelle génération de militants engagés dans la lutte contre la corruption. Directrice du bureau local de l’ONG Transparency International depuis quatre ans, cette juriste de formation a auparavant participé à la création de Wake up Madagascar, un mouvement destiné à inciter la jeunesse à s’impliquer pour la défense des droits humains et de la démocratie.

Quelle a été votre première rencontre avec la France ?

Ketakandriana Rafitoson C’est d’abord à travers la langue que, dès l’enfance, mon lien avec la France s’est construit. Ma mère nous avait inscrits mon frère et moi à la bibliothèque de l’Alliance française à Antananarivo et nous y avons passé beaucoup de mercredis après-midi et de samedis matins. J’en garde un souvenir émouvant. J’y ai appris le français par la lecture des grands classiques et ce goût de la lecture m’est resté jusqu’à présent.

Vos parents vous parlaient-ils de la France ?

Non, nous utilisions le malgache à la maison et mes parents ne parlaient pas de la France ni de l’histoire de nos deux pays. Je n’avais pas de curiosité particulière pour le passé et je ne m’identifiais pas encore aux nationalistes que j’ai découverts plus tard à travers la poésie et la littérature. Il y avait en particulier ce mouvement de l’entre-deux-guerres, Mitady ny very, que l’on peut traduire par « chercher ce qui a disparu », c’est-à-dire cette liberté, cette culture qui nous avaient été prises par la colonisation. Je n’avais jamais réfléchi à cette question jusqu’alors et je n’avais pas d’approche critique à l’égard de la France.

Cette pensée nationaliste vous conduit davantage à faire l’inventaire de l’histoire de Madagascar depuis l’indépendance.

Je ne vais pas vous dire que j’approuve ce qu’a fait la France. La colonisation fut une faute absolue, une violation de nos droits et de notre souveraineté. Mais je n’aime pas dire et penser comme certains que si nous sommes misérables aujourd’hui, c’est la faute de la France. Les responsables malgaches ont raté un tournant dès l’indépendance dans la construction de cette nation. Philibert Tsiranana, présenté comme le père de la nation, a été le premier à piller le pays et à le plonger dans le marasme duquel on n’a pas pu le sortir jusqu’à maintenant.

(…suite du journal Le Monde)

 

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