SADC: la société civile appelle à réinvestir dans l’éducation
Où en est l’éducation en Afrique australe ? La société civile de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) s’est penchée sur cette question lors de son forum. Elle souligne que les investissements dans l’éducation nationale ont diminué, “non pas par manque de priorité des États membres, mais en raison des politiques d’austérité”. Pourtant, il n’y a pas de développement économique durable sans une jeunesse bien formée. La société civile appelle donc à un investissement intelligent, en repensant la répartition du budget de l’État pour placer l’éducation au cœur des priorités.

Les jeunes sont l’avenir du pays. Pourtant, dans de nombreux États d’Afrique australe, ce principe reste lettre morte. À l’issue du forum de la société civile de la SADC, ses membres dressent un constat alarmant : l’éducation nationale est insuffisamment soutenue dans plusieurs États membres. Alors que l’objectif est de consacrer au moins 20% du budget national ou environ 6% du PIB à cette priorité, “la majorité des États membres de la SADC reste bien en deçà”, indique la société civile de la SADC. Selon elle, la part du budget de l’éducation dans le budget total est passée de 22% en 2014 à seulement 12% en 2021. “Cette baisse s’explique davantage par la réduction globale des dépenses publiques que par un manque de priorité accordée par le gouvernement à l’éducation”, souligne-t-elle. Par ailleurs, environ 20% des dépenses totales en éducation ont été couvertes par des financements extérieurs.
C’est le cas de la Tanzanie (14,33%), de l’île Maurice (12,19%), des Comores (10,48%) ou encore de l’Angola (10,48%). Madagascar, considéré comme l’un des pays les plus jeunes avec près de 60% de sa population âgée de moins de 25 ans, n’échappe pas à la tendance. Concernant la Grande Île, la part du budget de l’État consacrée à l’éducation s’élevait à environ 15,7% en 2021, avant de diminuer à 13,85% en 2022. Depuis plusieurs années, cette allocation se situe généralement entre 14 et 16% du budget global. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), l’éducation représentait encore 18 % du budget national en 2017. Entre 2009 et 2013, cette part est toutefois passée de 22% à 12%.
Selon la société civile de la SADC, de nombreux pays membres connaissent une dépendance excessive aux contributions des familles pour financer l’éducation. En effet, le financement public reste insuffisant, et les parents doivent combler le manque en payant directement pour les uniformes, les livres, les fournitures scolaires, les frais de scolarité officiels ou même des paiements informels. Cette situation pèse lourdement sur les familles les plus pauvres, qui doivent parfois choisir entre envoyer leurs enfants à l’école ou subvenir aux besoins essentiels du ménage. Les conséquences sont graves : abandon scolaire accru, recours au travail des enfants, et marginalisation des plus pauvres. Selon l’Indice de transformation Bertelsmann, qui évalue le niveau de développement et la qualité de la gouvernance dans les processus de transformation politique et économique des pays en développement et en transition, 80% des enseignants à Madagascar sont aujourd’hui des “enseignants communautaires” (Fikambanan’ny Ray Amandrenin’ny Mpianatra, FRAM). Ces enseignants, souvent peu ou pas formés, sont recrutés et rémunérés par les associations de parents d’élèves.
Pourtant, sans une jeunesse éduquée, le développement économique reste impossible. “Une jeunesse mal formée est davantage exposée au chômage, à l’instabilité politique et aux fléaux sociaux. Cela compromet les objectifs d’intégration régionale, de paix et de prospérité partagée tels que définis dans la Vision 2050 de la SADC”, souligne la société civile. Pour remédier à cette situation, elle appelle à un changement de paradigme, passant d’une logique de réduction des coûts à celle d’un investissement intelligent. “Nous exhortons les États membres de la SADC et les instances régionales à donner la priorité à la mobilisation des ressources domestiques, en s’engageant à atteindre et mettre en œuvre l’objectif de 20% du budget national ou 6% du PIB pour l’éducation. Cela implique une volonté politique forte, le renforcement des systèmes fiscaux, la lutte contre les flux financiers illicites, une action sur la dette et la réaffectation de l’éducation comme priorité dans les budgets nationaux.”
Le forum de la société civile de la SADC s’est tenu du 18 au 22 août. De nombreux sujets y ont été abordés : en plus de l’éducation, les discussions ont porté sur le commerce, la transition énergétique, le financement climatique, ainsi que l’inclusion des femmes, des jeunes et des personnes LGBTIQ+, sans oublier le respect des droits humains. Une importante délégation de la société civile internationale et régionale était présente, dont Amnesty International, Transparency International, le SAF-CNGO (Southern African Council of Non-Governmental Organisations) de la SADC et l’Unicef.
(source: Nambinina Jaozara – newsmada)