monde académique jésuite

À l’Université, la leçon du Pape pour une connaissance en chair et en cœur

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Dans un discours fleuve de près d’une heure, le Souverain pontife a délivré sa vision du monde académique jésuite, méditant sur les écueils d’une spiritualité liquide «cocacolisée», désincarnée. Pour la première fois entre les murs de l’athénée pontifical le plus ancien de Rome, François a plaidé pour une humanisation de la connaissance et, dans le sillage de son approche du Cœur de Jésus, pour transformer chaque espace académique en «maison du cœur»

Le Pape argentin jésuite et le supérieur général vénézuelien de la Compagnie de Jésus, Arturo Sosa SJ, à l’occasion de la première venue de François à l’université pontificale grégorienne de Rome, le 5 novembre 2024. (Vatican Media)

Delphine Allaire – Cité du Vatican

Aux accents programmatiques comme tout discours dense, la leçon ignatienne du Pape François à l’Université pontificale grégorienne ce 5 novembre, mémoire liturgique des saints et bienheureux jésuites, a débuté par un néologisme. Le péril de la «cocalisation» de la recherche et de l’enseignement conduirait à la «cocacolisation» spirituelle. «Il y a malheureusement beaucoup de disciples du Coca-Cola spirituel!», a déploré François faisant sourire l’auditoire érudit par l’emploi de cette formule. À l’invitation du père général de la Compagnie de Jésus et vice-chancelier de l’université, le père Arturo Sosa, SJ, le Pape a réfléchi sur la mission contemporaine de la Grégorienne à l’aide d’un prolifique co-fondateur de la Compagnie, apôtre de la mission, saint François-Xavier.

La formation, une action de charité précieuse et délicate

«Saint François Xavier aurait voulu aller dans toutes les universités de son temps et crier comme un fou partout, pour secouer ceux qui avaient plus de science que de charité et les exhorter à devenir missionnaires pour l’amour de leurs frères et sœurs, en leur disant du fond du cœur: « Seigneur, me voici, que veux-tu que je fasse »?»

Entre les murs de l’ancien «Collège romain» fondé en 1551, le Pape souhaite ainsi rappeler aux professeurs et aux près de 3 000 étudiants aujourd’hui leur devoir d’être missionnaires pour l’amour des frères et d’être disponibles à l’appel du Seigneur. «La mission, c’est le Seigneur qui l’inspire et la soutient. Il ne s’agit pas de prendre sa place avec nos prétentions qui rendent le plan de Dieu bureaucratique, autoritaire, rigide et sans chaleur, superposant souvent des agendas et des ambitions aux plans de la Providence», a-t-il relevé, mais de faire de l’université un lieu où la mission doit s’exprimer avant tout à travers l’action formative, avec passion. «Former, c’est avant tout prendre soin des personnes, et donc une action de charité discrète, précieuse et délicate», a pointé le Pape, avant de mettre en garde contre quelques plaies propres à ces milieux.

Intellectualisme, égotisme, luxure spirituelle

«L’intellectualisme aride», «le narcissisme pervers», «une véritable luxure spirituelle où les autres n’existent que comme spectateurs applaudissant, boîtes à remplir de l’ego de ceux qui enseignent» doivent être évités. Et François de raconter une anecdote éloquante illustrant ces méfaits et Lire la suite »