Communiqué – Non à la dictature et aux représailles politiques

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La représentativité est le moyen consacré à l’article 5 de la Constitution pour l’exercice de la souveraineté directe du peuple, source de tout pouvoir. Ce peuple élit au suffrage universel direct ses représentants au Parlement qui exerceront leur pouvoir dans l’intérêt de ce même peuple. Ce principe est cependant oublié dans l’obligation de fidélité politique, quand bien même les lignes de conduite de ce groupe politique seraient contraires à l’intérêt général.

Rappel des faits

En l’espace de quelques mois, nous avons vu la déchéance des deux leaders du Parlement, tous les deux élus. L’actuel Président du Sénat a demandé la déchéance du Sénateur Herimanana RAZAFIMAHEFA, sénateur élu aux couleurs du parti IRD. Ce dernier a été antérieurement démis de ses fonctions de Président du Sénat le 12 octobre 2023 lors de la session extraordinaire du Sénat. Alors qu’il a été supposément empêché d’accéder à la haute magistrature par intérim au cours de la même année.

De même, Christine RAZANAMAHASOA, Députée de Madagascar élue sous le blason de l’IRD et Présidente de l’Assemblée Nationale a été déchue de son titre de Député par décision de la HCC en date du 28 mars 2024 pour avoir « dévié des lignes de conduites du parti politique auquel elle est affiliée ».

Des interrogations

Nonobstant la légalité de ces procédés, il est à remarquer que la facilité avec laquelle des chefs d’Institution sont démis de leurs fonctions est alarmante en l’état actuel des choses. Aucune garantie démocratique liée à leur statut de représentant d’une partie de la souveraineté du peuple n’est inscrite dans aucune loi.

Sur les représailles politiques

Les parlementaires à travers leurs élections ont reçu une délégation des citoyens de porter les inquiétudes quotidiennes en votant les lois, en contrôlant les actions de l’Exécutif. Les parlementaires disposent à ce titre d’une immunité pour leur permettre de s’exprimer librement. Quel message envoyons-nous aux citoyens en muselant les personnalités sensées défendre leur intérêt ?

Des questions quant-à la valeur de la subordination partisane et de la représentativité populaire sont mises sur la balance :

Dans l’esprit de l’article 72 de la Constitution et des lois fondamentales de nombreux pays d’Afrique d’ailleurs, la déchéance est une sanction établie pour éviter le nomadisme politique. Ce qui n’enlève pourtant pas l’existence de dissidence politique, car dans l’article 25 de la loi n°2011-012 du 09 janvier 2012 relative aux partis politiques, celui qui ne s’accorde plus avec les idéologies politiques de son parti peut devenir indépendant jusqu’à la fin de son mandat.

Selon le principe de la liberté d’expression, les députés sont régis par un principe d’immunité parlementaire dans leurs travaux en assemblées. De même, les propos d’un Chef d’Institution sont réputés attentatoires à l’ordre public, il peut être fait recours à la HCJ pour engager sa responsabilité pénale car il ne jouit dans ce cas de figure plus de l’immunité parlementaire.

La HCC instrumentalisée :

Pour une querelle interne à l’Assemblée nationale, l’usage des pouvoirs du juge constitutionnel devrait être le dernier recours. En effet, ce sont des textes subsidiaires tels que le règlement intérieur de l’AN qui devraient être usés pour prendre des mesures disciplinaires proportionnelles aux actes commis par le député. En effet, des cas d’ouverture comme le rappel à l’ordre, le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, la censure avec inscription au procès-verbal ou encore la censure avec exclusion temporaire tels que prévus par l’article 96 du règlement intérieur de l’AN sont applicables à tout député. Aussi, on peut remarquer que sans traverser tous ces stades, la HCC a été saisie en représailles des actions dudit député, en omettant sciemment toutes ces étapes.

A l’approche des prochaines législatives, cette démonstration de l’utilisation abusive de la HCC la dénature mais également sert de mise en garde à ceux et celles qui veulent intégrer ce parti au pouvoir.

Messages :

Nous rappelons que les valeurs d’un État démocratique basé sur la semi-représentativité sont notamment le respect de la Souveraineté et de la proportionnalité. Les exigences du procès équitable s’appliquent tant aux mesures disciplinaires qu’aux sanctions. Il est dès lors important d’observer la proportionnalité des mesures adoptées contre un représentant du peuple dûment élu par suffrage universel. Dans de telles affaires revêtant une importance capitale pour la vie de l’État, on déplore le secret de cette procédure faite presque en catimini de la presse et des citoyens.

De surcroît, nous tenons à rappeler l’importance du principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs, longtemps bafoué. D’une part, la déchéance des deux leaders du Parlement, qui étaient de fervents partisans du régime en place par le biais de manœuvres politiques illégales, voire un forcing, d’autre part la forte répression de l’espace civique et politique sont les signes clairs d’un régime dictatorial. L’acceptation desdites requêtes par la HCC sur le fond et la forme est tout aussi bien désolant pour la sauvegarde de ce qui reste d’État de droit à Madagascar.

Il n’existe aucun mot pour le dire : « Le péril est imminent. La dictature s’en racine de plus en plus à Madagascar mais n’est pas trop tard pour lui faire barrage. » Il est du devoir de chaque citoyen de se lever et de dire non-face à toutes les formes des injustices pour ne pas que la démocratie ne devienne une utopie.

Malgré ce contexte morose, nous n’avons de cesse de rappeler nos précédentes recommandations :

  • La mise en place d’un processus de dialogue visant à instaurer un climat de confiance en vue des prochaines élections ;
  • Le renforcement de l’indépendance de la justice surtout en matière électorale ;
  • La mise en place de sanctions sur le manque de transparence en matière de dépenses électorales ;
  • La mise en place de l’ANRCM ;
  • La libération de l’espace civique par l’abrogation de l’ordonnance n°60-082 du 13/08/60 relative aux réunions publiques et aux manifestations sur la voie publique ;
  • L’arrêt immédiat des représailles politiques.

Antananarivo, le 11 avril 2024

Les OSC signataires du communiqué :

• CCOC
• Liberty 32
• Mouvement Rohy
• MSIS Tatao
• Observatoire des jeunes
• ONG Hitsy
• ONG IVORARY
• ONG Tolotsoa
• PFNOSCM
• MONEPT
• Transparency International-Initiative Madagascar (TI-MG)

(source: madagascar-tribune.com)

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