Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, qui plaide pour la construction des 3 000 logements de la colonie E1, juge qu’elle porterait un « coup de grâce » à la possibilité d’un Etat palestinien.
Bezalel Smotrich, le ministre des finances israélien, montre une carte situant la future colonie E1, lors d’une conférence de presse à Maalé Adoumim, en Cisjordanie, le 14 août 2025. OHAD ZWIGENBERG/AP
« Un coup de grâce porté à l’idée d’un Etat palestinien. » Bezalel Smotrich, le ministre des finances israélien, membre de l’extrême droite nationaliste et religieuse, n’a pas dissimulé sa satisfaction et ses intentions, jeudi 14 août, en annonçant la décision de valider le projet de développement d’une colonie juive stratégique, à l’est de Jérusalem, en Cisjordanie, territoire occupé par Israël de façon illégale depuis 1967.
La conséquence de cette annonce, si elle devait se réaliser, est majeure : avec cette colonie de 3 000 logements, connue sous le nom de code E1, située dans la ville de Maalé Adoumim, la Cisjordanie, déjà morcelée, se retrouverait coupée en deux, et la perspective de création d’un Etat palestinien viable serait presque impossible.
« La construction coloniale dans la zone E1 est une continuation des plans d’occupation visant à anéantir toute possibilité de réaliser l’Etat palestinien sur son territoire », a réagi l’Autorité palestinienne. L’ONG israélienne La Paix maintenant a dénoncé pour sa part un plan qualifié de « fatal pour l’avenir d’Israël et pour toute chance d’une solution à deux Etats ». L’annonce a provoqué un tollé parmi les pays arabes.
Quelques dizaines de personnes et d’entités, qui contribuent à l’expulsion des Palestiniens en Cisjordanie, ont été sanctionnées depuis le début de l’année, à l’initiative des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la France. D’une portée pour l’instant limitée, ces mesures enclenchent des mécanismes et établissent des précédents, qui inquiètent l’Etat hébreu.
Un enclos installé par des colons pour y planter des arbes, signe d’un projet de construction d’une nouvelle colonie illégale sur les terres du village bédouin de Mouarrajat (Cisjordanie), le 25 mai 2024. VIRGINIE NGUYEN HOANG / HUMA POUR « LE MONDE »
La décision rendue par la Cour internationale de justice, vendredi 19 juillet à La Haye, qui juge « illicite » l’occupation des territoires palestiniens, promet d’alimenter la réflexion de Washington, de l’Union européenne (UE) et de plusieurs Etats ayant commencé à imposer des sanctions contre des citoyens et des organisations israéliennes, impliqués dans les violences de la colonisation. Ces mesures punitives, dont les plus récentes ont été prises par l’Union européenne le 15 juillet, ont été impulsées en décembre 2023 par l’administration américaine de Joe Biden.
Encore symboliques et réversibles, touchant des dizaines d’individus sans grande autorité et une poignée d’entités, elles n’en brisent pas moins « un tabou » selon un diplomate européen, pour qui « en discuter sérieusement n’était pas même envisageable il y a deux ans ». Aussi fragiles soient-elles, elles enclenchent des mécanismes, posent des précédents juridiques et ouvrent un champ de possibles, qui préoccupent les autorités israéliennes. « Avec les avancées des cours de la justice internationale et ces vagues de sanctions, Israël risque de plus en plus concrètement de se voir assimilé à un Etat paria », résume un autre diplomate européen.
Un décret pris par le président Joe Biden en février permet à l’administration de sanctionner des individus et des entités en Israël, sans passer par le Congrès, pour violences, mais aussi pour avoir contribué à déstabiliser la Cisjordanie et accaparé de terres palestiniennes. Fort de ce levier juridique, son administration adopte un nouveau train de sanctions régulièrement, à quelques mois d’intervalle, de manière planifiée et avec des conséquences concrètes : en raison de leurs transactions en dollars, les banques israéliennes, où les personnes et les entités mises sous sanctions disposent de comptes, sont obligées de geler ces avoirs.
Maisons du quartier de Silwan, à Jérusalem, le 2 janvier 2023. AHMAD GHARABLI / AFP
Washington, Berlin, Paris, Rome et Londres ont critiqué ce mardi la décision d’Israël de légaliser neuf colonies en Cisjordanie occupée.
Washington, Berlin, Paris, Rome et Londres se sont dits «fermement» opposés mardi 14 février à la décision d’Israël de légaliser neuf colonies en Cisjordanie occupée et de projeter de nouveaux logements dans les colonies existantes, qui ne fait «qu’accroître les tensions entre Israéliens et Palestiniens».
«Nous nous opposons fermement à ces actions unilatérales qui ne font qu’accroître les tensions entre Israéliens et Palestiniens et qui nuisent aux efforts visant à parvenir à la solution négociée des deux États», écrivent les chefs de la diplomatie des cinq pays, dans cette déclaration commune.
Occupation de la Cisjordanie depuis 1967
Les mesures annoncées dimanche 12 février par le cabinet de sécurité israélien ont été présentées comme une réponse à une série d’attaques palestiniennes à Jérusalem-Est, dont une ayant fait trois morts vendredi 10 février. Les neuf colonies en question étaient jusque-là illégales au regard du droit israélien, car établies sans l’aval du gouvernement, tandis que pour l’ONU toute l’entreprise de colonisation juive en Cisjordanie est illégale au regard du droit international.
«Profondément préoccupés» par l’annonce d’Israël, les États-Unis et les quatre pays européens rappellent dans leur communiqué qu’«une paix globale, juste et durable au Proche-Orient doit être obtenue par des négociations directes entre les parties». «Nous continuons de suivre de près les évolutions de la situation sur le terrain portant atteinte à la viabilité de la solution des deux États et à la stabilité de la région dans son ensemble», écrivent-ils encore. Israël occupe la Cisjordanie depuis la guerre israélo-arabe de juin 1967. Plus de 475.000 Israéliens résident dans des colonies en Cisjordanie (hors Jérusalem-Est), où vivent 2,8 millions de Palestiniens.
Le gouvernement israélien va prélever des millions d’euros sur les taxes dues aux Palestiniens et promet des mesures contre des responsables de Ramallah.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à Jérusalem, le 8 janvier. RONEN ZVULUN / AP
Le ministre palestinien des affaires étrangères, Riyad Al-Maliki, rentrait d’une visite au Brésil, dimanche 8 janvier, quand il a été retenu trente minutes au poste-frontière israélien avec la Jordanie, unique porte d’entrée des Palestiniens vers la Cisjordanie occupée. Les douaniers de l’Etat hébreu l’ont alors informé que son permis VIP, qui facilite ses entrées et sorties, lui avait été retiré. La mesure fait partie d’une série de sanctions adoptées par le cabinet de sécurité israélien la semaine dernière contre l’Autorité palestinienne (AP), basée à Ramallah.
Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, où l’extrême droite est entrée en force, n’a pas apprécié que les Palestiniens fassent voter, le 30 décembre 2022, une résolution à l’Assemblée générale de l’ONU qui demande à la Cour internationale de justice de se pencher sur la légalité de l’occupation israélienne. Le texte, non contraignant, réclame également qu’Israël mette fin à la colonisation dans les territoires occupés. Il a été approuvé par 87 Etats – la France s’est abstenue.
L’AP a décidé de « lancer une guerre politique et légale contre l’Etat d’Israël. Le présent gouvernement ne va pas rester les bras croisés », a répliqué le bureau du premier ministre dans un communiqué publié le 6 janvier. Il y détaille plusieurs mesures, dont le retrait de permis VIP à certains responsables palestiniens et un moratoire sur les constructions palestiniennes, déjà largement restreintes, dans la zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie.
Le ministère des finances israélien va aussi ponctionner de l’argent sur les taxes et revenus douaniers qu’Israël prélève pour le compte des autorités de Ramallah, l’AP n’ayant pas de contrôle sur ses frontières. Quelque 139 millions de shekels (37 millions d’euros) seront ainsi reversés à 15 familles israéliennes de victimes d’attaques palestiniennes. En plus de cela, l’Etat hébreu devrait se réserver plusieurs dizaines de millions de shekels – le montant exact n’a pas été précisé –, censés correspondre à l’équivalent des subventions que l’AP verse aux prisonniers palestiniens en Israël et à leurs familles.
« Une punition collective »
Ces sanctions « ont pour but de faire tomber l’Autorité [palestinienne], de la pousser à bout financièrement et sur le plan institutionnel », a condamné le premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, lors du conseil des ministres du 9 janvier. Le Hamas a incité l’AP à « ne pas céder ». En réalité, Israël ponctionne régulièrement une partie des taxes et droits de douane qu’il doit aux Palestiniens depuis 2019. Selon les calculs du chef du gouvernement palestinien, l’Etat hébreu a ainsi retenu quelque 570 millions de dollars (532 millions d’euros) depuis quatre ans, une somme censée correspondre au montant des versements aux prisonniers palestiniens.
La résolution, adoptée par 87 pays de l’Assemblée générale, a divisé les Occidentaux. Elle ne revêt pas de caractère contraignant mais envoie un signal au nouveau gouvernement de Benyamin Nétanyahou.
L’Assemblée générale de l’ONU, à New York, le 20 septembre 2021. JOHN ANGELILLO / AP
L’Assemblée générale des Nations unies (ONU) a adopté, vendredi 30 décembre, une résolution demandant à la Cour internationale de justice de se pencher sur la question de l’occupation israélienne des territoires palestiniens, au lendemain de l’investiture du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël.
La résolution a été adoptée avec 87 voix pour, 26 contre, et 53 abstentions, les pays occidentaux étant partagés sur la question tandis que les capitales arabes ont unanimement voté pour, y compris celles ayant normalisé leurs relations avec Israël ; la Chine et la Russie ont également voté en faveur du texte.
Cette résolution exhorte la cour onusienne, basée à La Haye, aux Pays-Bas, à déterminer « les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination », ainsi que de ses mesures « visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ».
Pas de pouvoirs contraignants
Le représentant palestinien auprès de l’ONU, Riyad Mansour, a déclaré que le vote envoyait un signal au nouveau gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou dans le cas d’un renforcement des politiques « coloniales et racistes » et il a salué les Etats qui ne se sont pas laissés « dissuader par des menaces et des pressions ».
En amont du vote, le représentant permanent d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, a qualifié la résolution de « tache morale sur l’ONU ». « Aucune organisation internationale ne peut décider si le peuple juif est un occupant dans sa propre terre natale », a-t-il ajouté. « Quelconque décision d’une organisation judiciaire qui reçoit son mandat de Nations unies politisées et en faillite morale est complètement illégitime », a également affirmé M. Erdan.
La résolution appelle en outre Israël à mettre fin aux colonies, mais l’Assemblée générale ne dispose pas de pouvoirs contraignants, contrairement au Conseil de sécurité, mais où les Etats-Unis, alliés d’Israël, disposent d’un droit de veto. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, et l’Allemagne se sont opposés à la résolution et la France s’est abstenue. « Nous ne pensons pas qu’un renvoi vers la Cour internationale de justice aide à ramener les parties prenantes vers un dialogue », a déclaré le diplomate britannique Thomas Phipps.
Avec la nomination imminente d’Itamar Ben-Gvir, chef du parti d’extrême droite Otzma Yehudit [Force juive], au poste de ministre de la sécurité nationale, le futur gouvernement de Benyamin Netanyahou se radicalise. Quels changement pour la Cisjordanie et les zones occupées ? Selon Vincent Lemire, historien, Maître de conférences à l’université de Gustave Eiffel et coauteur du livre « Histoire de Jérusalem », invité de France 24, « Ben Gvir va avoir la main non seulement sur la police nationale à l’intérieur des frontières d’Israël, mais aussi sur la police des frontières, donc en Cisjordanie, en zones occupées, dans les postes frontières ». Décryptage.
Une loi américaine y fait actuellement obstacle et est peu susceptible d’être remise en cause par l’Administration Biden ; les chances de cette nouvelle initiative sont minces.
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas fait des déclarations aux médias avec le président américain après leur rencontre dans la ville de Bethléem en Cisjordanie, le 15 juillet 2022. (Crédit : MANDEL NGAN/AFP)
L’ambassadeur palestinien aux Nations unies, Riyad Mansour, cherche à nouveau à obtenir le statut d’État membre à part entière à l’ONU, mais la tâche est difficile pour Ramallah, sans le soutien des États-Unis, qui ont adopté des lois visant à contrecarrer cette perspective.
Dans une interview accordée au Times of Israel lundi, Mansour a fait valoir que la nouvelle initiative « sauverait la solution à deux États » en faisant contrepoids aux mesures unilatérales prises par Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.
« Peut-être que cela donnera aux dirigeants israéliens l’envie de revenir à la table des négociations », a déclaré Mansour.
Le diplomate palestinien considère que l’octroi du statut de membre à part entière serait conforme à la politique de l’administration Biden visant à promouvoir des « mesures concrètes » de nature à créer un terrain fertile pour une solution à deux États, en l’absence de négociations entre les parties.
Il a admis que le travail serait long pour convaincre les États-Unis et d’autres membres du Conseil de sécurité de soutenir l’initiative à l’Assemblée générale. Lire la suite »
Légalement, la Cour pénale internationale peut désormais poursuivre les auteurs de crimes commis en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.
Des enfants pendant les funérailles de deux frères de 16 et 12 ans à Khan Younis dans le sud de la bande de Gaza, en 2014. SAID KHATIB / AFP
La procureure Fatou Bensouda pourra enquêter sur les crimes commis dans les territoires palestiniens occupés par Israël, ont tranché les juges de la Cour pénale internationale (CPI) vendredi 5 février. Fin 2019, elle avait annoncé l’imminence d’une enquête, mais s’interrogeait sur sa compétence territoriale et avait renvoyé la question aux juges. Une façon, aussi, de partager le poids de l’un des dossiers les plus sensibles de la Cour. Légalement, la CPI peut donc désormais poursuivre les auteurs de crimes commis en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza.
Jeudi soir, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a estimé que cette décision relevait de l’« acharnement judiciaire ». « Le tribunal a une nouvelle fois prouvé qu’il est un organe politique et pas une institution judiciaire », a-t-il ajouté, en s’attaquant à Israël « par pur antisémitisme », tout en « refusant d’enquêter sur les dictatures brutales d’Iran et de Syrie, qui commettent des atrocités presque chaque jour ».
Comme Washington, Tel-Aviv n’a pas adhéré à la Cour, créée par un traité en 1998, et estime donc que celle-ci « n’a pas compétence à l’égard d’Israël ». C’est ce qu’avait défendu le procureur général du pays, Avichai Mandelblit, dans un avis juridique remis à la procureure, jugeant que « toute action palestinienne devant la Cour est invalide » et que la Palestine n’étant pas un Etat, elle ne pourrait donc la saisir. Au printemps 2020, une quarantaine de professeurs, d’avocats, de diplomates et d’ONG avaient fourni des avis à la Cour. Certains s’inquiétaient que ses décisions n’influent sur l’avenir de négociations politiques israélo-palestiniennes, aujourd’hui in
« En statuant sur l’étendue territoriale de sa compétence, la Cour ne se prononce pas sur un différend frontalier en droit international ni ne préjuge de la question d’éventuelles frontières futures », écrivent les juges, assurant que « la création d’un nouvel Etat conformément au droit international (…) est un processus politique d’une grande complexité, très éloigné de la mission de cette Cour ». Reconnue en 2012 Etat observateur par l’Assemblée générale des Nations unies, l’Autorité palestinienne avait pu, sur cette base, adhérer à la Cour
JERUSALEM (Reuters) – Israël ne peut pas s’attendre à une normalisation des relations avec les pays arabes s’il décide d’annexer des territoires en Cisjordanie occupée, avertit l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington Youssef al Otaiba dans une lettre ouverte, publiée vendredi par le journal israélien Yedioth Ahronoth.
LES EMIRATS METTENT EN GARDE ISRAËL SUR SON PROJET D’ANNEXION EN CISJORDANIE
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis de placer les colonies de Cisjordanie sous souveraineté israélienne et souhaite entamer le 1er juillet les discussions à ce sujet avec les membres du gouvernement.
Dans sa lettre, Youssef al Otaiba invite les Israéliens à ne pas concrétiser ce projet qui serait considéré comme une « prise de contrôle illégale » des territoires palestiniens.
« L’annexion mettra fin immédiatement à tous les espoirs israéliens d’améliorer des rapports bilatéraux en matière de sécurité et des liens économiques et culturels avec le monde arabe et les Émirats arabes unis », écrit-il.
Israël n’entretient pas de rapports diplomatiques avec les pays du Golfe, mais des préoccupations communes concernant l’influence régionale de l’Iran ont conduit à un dégel progressif de leurs relations.
Les seuls pays arabes avec lesquels Israël entretient des relations formelles sont l’Egypte et la Jordanie.