Ouïgours
Répression des Ouïgours : l’ONU dresse un réquisitoire accablant contre la politique de la Chine au Xinjiang
« L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire » de membres de la minorité musulmane dans la région peut constituer « des crimes contre l’humanité », selon le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme publié le 31 août.

A 23 h 47 le 31 août, treize minutes seulement avant la fin de son mandat, la haut-commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a publié le rapport tant attendu de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur les droits de l’homme dans la province chinoise du Xinjiang.
Détentions arbitraires, tortures, stérilisations forcées… Les 46 pages du rapport sonnent comme un véritable réquisitoire contre la politique menée par Pékin. Le verdict est sans appel : « L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire d’Ouïgours et de membres d’autres groupes essentiellement musulmans (…) dans un contexte de restrictions et de privation des droits fondamentaux tant individuels que collectifs peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité. »
Pour arriver à cette conclusion accablante, l’ONU dit avoir été informée « fin 2017 » de « disparitions » au Xinjiang, et s’être mise au travail dès 2018. Le rapport est fondé sur les écrits et déclarations des autorités chinoises elles-mêmes, mais aussi sur le travail de chercheurs, sur des images satellites, des informations en libre accès ainsi que sur quarante entretiens approfondis, avec notamment vingt-six personnes ayant été internées ou ayant travaillé dans des camps du Xinjiang depuis 2016.
Témoignages jugés « crédibles »
L’ONU condamne à la fois les fondements juridiques de la politique menée par Pékin – « le système juridique antiterroriste chinois repose sur des concepts vagues et larges » – et sa mise en œuvre. La Chine a longtemps expliqué que les Ouïgours coupables de délits « mineurs » n’étaient pas envoyés en centres de détention mais dans des centres de formation professionnelle. L’ONU fait remarquer qu’aucun des témoignages qu’elle a recueillis n’indique que les « stagiaires » avaient le droit de sortir de ces centres, qu’aucun ne s’était vu proposer une offre alternative, que la plupart avaient auparavant été détenus par la police et qu’ils n’avaient jamais eu accès à un avocat.
Pire : les deux tiers des vingt-six personnes interviewées qui ont été détenues dans ces « centres de formation » ont « reporté avoir subi des traitements qui peuvent aller jusqu’à la torture ». Violences sexuelles notamment, à l’égard des femmes, administration forcée de produits médicamenteux suspects… Ce que les ONG dénoncent depuis des années est confirmé par les témoignages jugés « crédibles
Londres sanctionne la «barbarie» de Pékin contre les Ouïgours
Boris Johnson a décidé mardi d’interdire les biens fabriqués dans les camps par la minorité musulmane de Chine.

À la différence d’autres dirigeants européens, Boris Johnson n’a pas peur de fâcher Pékin. Dénonçant la répression chinoise envers les Ouïgours, Londres a dévoilé mardi des mesures visant à interdire les biens liés au travail forcé de cette minorité musulmane du Xinjiang, dans le grand nord-ouest chinois.
En faisant cette annonce, le chef de la diplomatie britannique n’a pas mâché ses mots. C’est une « barbarie que l’on espérait reléguée dans le passé qui est pratiquée aujourd’hui », a déclaré Dominic Raab devant les députés, évoquant « la détention arbitraire, la rééducation politique, le travail forcé, la torture et la stérilisation forcée » des Ouïgours. Le tout pratiqué « à une échelle industrielle ». Face à ces « violations inacceptables des droits humains », le Royaume-Uni avait le « devoir moral » de réagir, a poursuivi le ministre.
Un «appel à agir» de 300 ONG
De nombreux experts internationaux estiment qu’au moins un million de Ouïgours sont détenus dans des camps d’internement et de rééducation politique. Pékin nie et rétorque qu’il s’agit de centres de formation professionnelle destinés à éloigner les habitants de la région de la tentation de l’islamisme, du séparatisme et du terrorisme. Dominic Raab a appelé la Chine à autoriser une enquête indépendante.
Les mesures adoptées par Londres visent à interdire les importations et exportations liées au travail forcé des Ouïgours.