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Dossier Madagascar-France: vu par l’ambassadeur Arnaud Guillois

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ARNAUD GUILLOIS – “La relation entre Madagascar et la France va très au-delà des îles éparses”

Après une année 2023 chahutée par les débats électoraux, l’heure est maintenant au travail. Une posture qu’adoptent, également, les partenaires internationaux de Madagascar, dont la France. Arnaud Guillois, ambassadeur français, donne justement un florilège des champs de coopérations entre la Grande île et l’Hexagone. Une coopération qui, selon lui, est humaine, dense et tous azimuts. Une relation qui transcende les points de friction.

 L’Express de Madagascar. Comment définiriez-vous l’état des relations entre la France et Madagascar actuellement ? 

Arnaud Guillois. Tout d’abord, je voudrais souhaiter une excellente année à la population malgache. Je lui souhaite joie, prospérité et paix. Je pense que c’est une chose importante dans le monde de confrontation dans laquelle nous vivons.

La relation franco-malgache que j’ai le grand honneur d’animer, avec mes collègues et amis malgaches depuis un an et demi, je la vois à la fois comme dense, comme tous azimuts et portée vers l’avenir. Je ne pense pas qu’il y ait des activités d’ordre public dans lesquelles la France et Madagascar ne coopèrent pas. Il y a, bien sûr, une coopération politique, avec des échanges politiques à tous les niveaux.

Les deux chefs d’État se sont rencontrés et ont discuté à de nombreuses reprises en 2023. La présidente de l’Assemblée nationale malgache et le président du Sénat malgache ont été reçus par leurs homologues français à Paris. Et puis, nous avons eu la chance, ici à Antananarivo, d’avoir de nombreuses visites qui sont des gages d’amitiés et qui permettent d’accélérer les programmes. Je pense à deux ministres français qui se sont rendus à Madagascar, en 2023. La ministre de la coopération et des partenariats [Chrysoula Zacharopoulou], en mai, et plus récemment le ministre Hervé Berville [secrétaire d’État à la mer], au mois de décembre pour l’investiture du président Rajoelina. Nous avons aussi eu des visites de parlementaires. Les relations interparlementaires sont importantes aussi.

Les relations franco-malgaches se fondent sur l’humain. C’est presque ce sur quoi, je fonde mon action au quotidien. Des centaines de milliers de Malgaches en France, des dizaines de milliers de Français à Madagascar qui constituent tous les jours un pont entre nos deux pays.

 Quels sont alors les grands points de cette coopération entre les deux pays ? 

D’abord la coopération éducative, sociale et culturelle. Nous avons, à Madagascar, le plus grand réseau d’écoles françaises au monde. Il y a vingt-trois établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), pour plus de treize mille élèves. Nous avons le premier réseau d’Alliance française pour l’Afrique sub-saharienne, soit vingt-neuf Alliances françaises pour près de quarante mille apprenants. Celle d’Antananarivo, en termes d’apprenants, est la première Alliance française du monde.

Nous avons une action de coopération tous azimuts très importante. Il y a l’Agence française de développement (AFD), et il y a le service culturel et d’action de coopération de l’ambassade de France. Une coopération dans des domaines très variés, l’éducation, l’agriculture, le développement urbain, l’aménagement du territoire, l’appui à la société civile, sujet majeur et important pour nous qui est d’appuyer le dialogue permanent avec la société civile dans sa diversité. Je pourrais aussi vous parler de nos relations économiques. En dépit de la concurrence qui ne cesse de se développer et qui est parfaitement saine, la France reste un des tous premiers partenaires économiques de Madagascar, un de ses premiers investisseurs. Rendez-vous compte, en 2022, le commerce entre la France et Madagascar avait augmenté de plus de 20%. Je dois avouer que je n’ai pas encore les chiffres de 2023. Il y a, à Madagascar, des dizaines de filiales d’entreprises françaises qui emploient des dizaines de milliers de Malgaches, qui les forment. Moi, ce qui me fait plaisir, c’est quand je vais voir une entreprise française, ou qui a un lien avec la France, et que 99,5% des personnes que je rencontre sont des Malgaches. Ce qui veut dire que c’est vraiment du gagnant-gagnant.

Il y a d’autres domaines dans lesquels on coopère. Le domaine de la sécurité, par exemple. Nous sommes aussi des voisins dans l’océan Indien par La Réunion et par Mayotte. Je pense à la coopération décentralisée qui est très active. Madagascar est le premier pays dans lequel les collectivités locales françaises sont investies. Aujourd’hui, vous avez près d’une quarantaine de partenariats ou de jumelages qui existent entre les collectivités françaises et malgaches. Ce qui est très positif puisque derrière, il y a des relations humaines qui se créent. Il y a des compréhensions mutuelles qui se fondent. Mais, il y a aussi des projets de partenariats et de coopération extrêmement dynamiques. Par exemple, le Grand Est, la région Alsace et Lorraine a beaucoup investi dans les domaines médicaux du côté de Mahajanga. C’est un exemple des choses que nous voulons faire grandir et développer.

Je ne vous cacherai pas qu’il est difficile d’être concis sur cette problématique, puisqu’en réalité, la relation franco-malgache, elle est vraiment protéiforme et touche à toutes les activités, dans le fond, de la France et de Madagascar.

 Vous avez évoqué le voisinage dans l’océan Indien. Justement, ce point a été une source de friction entre les deux pays, à cause des îles éparses. Ce froid qui s’est installé dans les relations franco-malgaches, sur la période 2020, 2021 et 2022 s’est-il réchauffé ou bien le fond du problème est-il toujours entier ?

La réalité est que la question des îles éparses est un sujet de différend entre la France et Madagascar. Je crois que deux pays amis, deux pays souverains doivent pouvoir, dans un cadre bilatéral, dans un cadre normé, discuter des sujets de divergence. C’est la raison pour laquelle les deux chefs d’État, à savoir le président Rajoelina et le président Macron, ont décidé la mise en place d’une commission mixte sur les îles éparses du Canal de Mozambique pour discuter de ce sujet. Pour voir comment avancer ensemble et ne pas en faire un sujet de friction permanente, pour reprendre votre expression.  Alors, la réalité est que cette commission ne s’est réunie qu’une fois, en fin 2019, à Antananarivo. Il y a plusieurs raisons qui font qu’elle ne s’est pas réunie depuis lors. Lire la suite »