Ketakandriana Rafitoson
A Madagascar, Ke Rafitoson promue nouvelle vigie de l’extraction minière
La politologue malgache prend la direction du mouvement mondial Publiez ce que vous payez, dont la mission est d’obtenir davantage de transparence dans le secteur des industries extractives.

Ketakandriana Rafitoson avait de solides arguments et elle a tenu bon. Lundi 1er juillet, elle prendra officiellement ses fonctions de directrice exécutive du mouvement Publish What You Pay − Publiez ce que vous payez − non pas à Londres, où se trouve le secrétariat du mouvement créé en 2002 pour contraindre les sociétés à déclarer les sommes qu’elles versent aux gouvernements contre l’attribution de titres miniers, mais à Antananarivo, la capitale de Madagascar, « pays parmi les plus pauvres, riche en minerais de transition et à la gouvernance déplorable », selon ses mots. Quitte à faire les allers et retours en Europe.
« Les minerais nécessaires à la transition énergétique se trouvent dans les pays du Sud, mais dans quelles conditions sont-ils achetés par les sociétés occidentales ou asiatiques ? En quoi profitent-ils aux populations locales ? Pour le savoir et pour se mettre à l’abri de transactions opaques, c’est au Sud que nous devons être. Je serai très fière de servir depuis le cinquième pays le plus pauvre du monde », a-t-elle plaidé.
(source: lemonde.fr)
« Confessions »: Ketakandriana Rafitoson, Directrice exécutive de Transparency International-Madagascar
Ny tsara ho fantatra momba an’i « Ke »: ny tenany, ny zo sy ny lalàna, ny kolikoly, ny fianarany, ny asany sy ny fiaraha-monina ho an’i Ketakandriana Rafitoson …
Ketakandriana Rafitoson : « Si les Malgaches sont misérables aujourd’hui, ce n’est pas la faute de la France »
« De Dakar à Djibouti, radioscopie de la relation Afrique-France » (10). La directrice du bureau local de Transparency International estime que Paris doit contribuer à sanctionner ceux qui pillent la Grande Ile et ne plus financer certains projets comme le téléphérique d’Antananarivo.

Alors que la liberté d’expression recule à Madagascar, Ketakandriana Rafitoson incarne le courage d’une nouvelle génération de militants engagés dans la lutte contre la corruption. Directrice du bureau local de l’ONG Transparency International depuis quatre ans, cette juriste de formation a auparavant participé à la création de Wake up Madagascar, un mouvement destiné à inciter la jeunesse à s’impliquer pour la défense des droits humains et de la démocratie.
Quelle a été votre première rencontre avec la France ?
Ketakandriana Rafitoson C’est d’abord à travers la langue que, dès l’enfance, mon lien avec la France s’est construit. Ma mère nous avait inscrits mon frère et moi à la bibliothèque de l’Alliance française à Antananarivo et nous y avons passé beaucoup de mercredis après-midi et de samedis matins. J’en garde un souvenir émouvant. J’y ai appris le français par la lecture des grands classiques et ce goût de la lecture m’est resté jusqu’à présent.
Vos parents vous parlaient-ils de la France ?
Non, nous utilisions le malgache à la maison et mes parents ne parlaient pas de la France ni de l’histoire de nos deux pays. Je n’avais pas de curiosité particulière pour le passé et je ne m’identifiais pas encore aux nationalistes que j’ai découverts plus tard à travers la poésie et la littérature. Il y avait en particulier ce mouvement de l’entre-deux-guerres, Mitady ny very, que l’on peut traduire par « chercher ce qui a disparu », c’est-à-dire cette liberté, cette culture qui nous avaient été prises par la colonisation. Je n’avais jamais réfléchi à cette question jusqu’alors et je n’avais pas d’approche critique à l’égard de la France.
Cette pensée nationaliste vous conduit davantage à faire l’inventaire de l’histoire de Madagascar depuis l’indépendance.
Je ne vais pas vous dire que j’approuve ce qu’a fait la France. La colonisation fut une faute absolue, une violation de nos droits et de notre souveraineté. Mais je n’aime pas dire et penser comme certains que si nous sommes misérables aujourd’hui, c’est la faute de la France. Les responsables malgaches ont raté un tournant dès l’indépendance dans la construction de cette nation. Philibert Tsiranana, présenté comme le père de la nation, a été le premier à piller le pays et à le plonger dans le marasme duquel on n’a pas pu le sortir jusqu’à maintenant.
Présidentielle à Madagascar : les femmes sonnent le réveil citoyen
Madagascar, un nouveau départ ? Corruption, élections, dépense publique… Des militantes se battent pour que le pays revienne aux normes de bonne gouvernance.
Il est difficile d’imaginer ce qui pourrait faire reculer Ketakandriana Rafitoson. Alors que Madagascar s’apprête à élire son président lors d’une élection dont le premier tour a lieu mercredi 7 novembre, la jeune directrice de Transparency Madagascar interpelle, invective, dénonce toutes les pratiques de corruption qui privent la Grande Ile d’un avenir meilleur. Personne n’est épargné. A commencer par les trois principaux candidats et ex-présidents, Hery Rajaonarimampianina, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, qu’elle met dans le même sac lorsqu’il s’agit de remonter la chaîne des responsabilités du vaste trafic de bois de rose à destination de la Chine.
Madagascar se situe au 155e rang sur 180 dans le dernier classement sur la perception de la corruption publié en janvier par Transparency International. Elle a reculé de 20 places en quatre ans. Policiers véreux qui rackettent les chauffeurs de taxi-brousse, juges qui relaxent des coupables en échange de petites fortunes, diplômes et postes de fonctionnaires qui s’achètent, tarification parallèle des consultations médicales… L’argent est partout, pour échapper aux règles ou faire valoir ses droits.
Juriste promise à une brillante carrière, Ketakandriana Rafitoson a jeté l’éponge à la fin de son stage à la direction du contentieux de la primature. « Ça m’a dégoûtée, je suis partie, se justifie-t-elle. Etre juge ouvre la porte à tous les privilèges. C’est un nid à corruption. » En rejoignant l’organe de régulation de l’électricité, elle croyait trouver un endroit où satisfaire son ambition de servir l’intérêt général. Déception là encore, quand elle constata – et écrivit – que derrière les discours sur la transition énergétique, la part des énergies fossiles continuait d’augmenter dans le mix énergétique. Sa hiérarchie apprécia peu sa liberté de ton et elle partit. A Transparency, qu’elle a intégré en août, son travail « rejoint pour la première fois [ses] convictions ». Sous des dehors sages et une voix posée, Ke, comme on l’appelle, défend sa méthode : « La lutte anti-corruption doit être agressive, le fléau est tellement grand. »
« Nous avons du mal à mobiliser »
A l’image de Ke, ce sont souvent des femmes qui sont en première ligne du discours citoyen qui émerge pour dénoncer la défaillance des élites politiques et économiques malgaches.