La controverse sur la nationalité de monsieur Rajoelina est polluée par une approche, par définition orientée politiquement, du fameux article 42 du code de la nationalité malgache. [2] Cet article 42 dispose : « Perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère. »
Le Code de la Nationalité malgache : une construction un tant soit peu datée
Le Code de la Nationalité malgache a été adopté par ordonnance un mois après le retour à l’indépendance de Madagascar. Sa rédaction était fortement marquée par l’histoire récente de l’île, en particulier de la colonisation.
Durant la période coloniale, les habitants de Madagascar se partageaient entre les citoyens français et les indigènes. [3]
Les citoyens français étaient les (1) les Européens d’origine, (2) les métis dont la filiation française était judiciairement établie (Décret du 7 novembre 1916), (3) les originaires de l’Île de Sainte-Marie et (4) les indigènes admis dans la citoyenneté française, à raison de leur intégration (décrets du 3 mars 1909 et du 7 avril 1938 fixant les conditions d’accession des indigènes de Madagascar aux droits de citoyens français). [4]
Les indigènes [5] étaient les originaires de Madagascar soumis à un droit local, appelé « statut personnel. » C’était un mélange de lois et coutumes locales qui, en règle générale, se rapportait au droit des personnes et de la famille. Ce corps de règles était considéré comme inférieur au statut issu du code civil lequel était réservé aux seuls citoyens français.
Cette hiérarchie entre les citoyens et les sujets avait été vigoureusement contestée, pendant la colonisation.
Ainsi, sitôt l’indépendance recouvrée, l’un des premiers corps de règles adoptés a été le code de la nationalité.
Le code de la nationalité malgache n’échappe pas à un esprit ombrageusement nationaliste et égalitaire à l’instar des législations sur le même sujet des autres pays récemment décolonisés.
D’abord, l’idée était de limiter autant que possible l’octroi de la nationalité malgache. Ensuite, l’un des points essentiels était la suppression de l’ancienne hiérarchie coloniale entre la citoyenneté et la nationalité. Enfin, la possibilité d’avoir plusieurs nationalités était mal acceptée, tant par les autorités que par les Malgaches en général.
L’article 42 et son application aléatoire
L’article 42 du code de la nationalité malgache résulte de l’état d’esprit décrit précédemment. Bien que s’inspirant en partie des règles françaises en la matière, ce n’en est pas une pure translittération ; tant s’en faut.
La perte de la nationalité malgache est automatique.
Dès l’instant où la condition de l’article 42 est remplie, à savoir la demande volontaire d’une autre nationalité par un Malgache majeur, celui-ci cesse d’être Malgache. Peu importe que la nationalité malgache lui eût été attribuée à sa naissance ou qu’elle ait été acquise au cours de son existence.
Bien qu’automatique, cette perte n’est pas immédiatement effective. Encore faut-il que cette perte soit constatée par le gouvernement ou par le tribunal de première instance, en matière civile, seule juridiction compétente pour connaître des questions de nationalité.
Une procédure spéciale est prévue pour le constat par le gouvernement de la perte de la nationalité malgache.
Le ministre de la Justice informe préalablement la personne concernée de son intention de constater la perte de sa nationalité (article 53 du code de la nationalité). Celle-ci dispose alors d’un mois pour éventuellement exercer ses droits à se défendre. Le décret qui déclare « qu’un individu a perdu la nationalité malgache » est publié au journal officiel (article 55 du code de la nationalité) et prend effet à la date de sa signature (article 56 du code de la nationalité).
En l’absence d’un décret, la perte de la nationalité malgache peut être constatée judiciairement.
Cette perte de nationalité peut être opposée par voie d’exception préjudicielle devant « toute » juridiction (article 67 du code de la nationalité) ou demandée, à titre principal, par le ministère public (article 72 du code de la nationalité).
La première hypothèse serait une exception préjudicielle dans une procédure principale.
Elle obligerait le premier juge saisi à surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal civil de première instance (articles 66 et 68 du code de la nationalité). Mieux. L’exception d’extranéité est « d’ordre public » et elle doit être soulevée « d’office par le juge. » (article 67 du code de la nationalité).
La seconde hypothèse serait une demande principale.
Seul le procureur de la République peut déposer une telle demande principale (article 72 du code de la nationalité). Et, lorsque la question de l’extranéité est soulevée par voie d’exception devant « toute autre juridiction », en application du susdit article 67, le ministre de la Justice est destinataire de la « copie de l’assignation ou de la requête » (article 76 du code de la nationalité).
Une fois constatée judiciairement, en dehors des cas où cette perte résulterait d’un décret gouvernemental (article 56 du code de la nationalité), l’effet de la perte de la nationalité est rétroactif à la date à laquelle elle est réputée être intervenue, soit à la date de l’acquisition de nationalité étrangère (article 46(1) du code de la nationalité).
Les mystères de la naturalisation française d’Andry Rajoelina et l’absence de constat
Pour résumer les faits, peu après avoir cessé d’exercer les fonctions de président de la Transition, par un décret publié dans le Journal officiel de la République Française du 21 novembre 2014, le gouvernement français a fait droit aux demandes de naturalisation déposées par monsieur Rajoelina, pour son compte et pour ceux de son épouse et de ses enfants. [6]
Le jour d’introduction de ces demandes n’apparaît pas, mais à suivre les prescriptions de l’article 21-25-1 du code civil français, [7] elles dateraient de début 2013, quand monsieur Rajoelina était encore président de la Transition, soit chef d’État de facto de Madagascar.



